RÉMUNÉRATIONS, PERTE DE SENS … LES AGENTS ATTENDENT L’EMBELLIE
La 13e édition du baromètre du bien-être au travail « La Gazette » - MNT souligne une nouvelle fois le blues des agents territoriaux. Alors que l’inflation atteint un niveau record, les salaires sont au cœur des insatisfactions.
Cette année encore, c’est un tableau plutôt sombre du moral des agents territoriaux que dresse le baromètre « La Gazette » - MNT du bien-être au travail. Si les trois quarts des agents questionnés se disent satisfaits d’exercer dans la fonction publique territoriale, cette part est en baisse de 4 points sur un an et même de 7 points parmi les agents de la catégorie C.
Un tiers d’entre eux se déclarent même mécontents de travailler au sein de leur collectivité. Cependant, 85 % des agents affirment être fiers d’exercer leur métier.
Malgré la hausse du point d’indice cet été, et alors que l’inflation rogne le pouvoir d’achat, la grogne se cristallise sans grande surprise sur la rémunération. Elle est le plus grand motif d’insatisfaction, rassemblant 72 % de mécontents, voire 79 % parmi les agents de la catégorie C.
« Les “C” sont les plus en difficulté, car il s’agit de la catégorie qui connaît le plus grand écart entre le niveau d’études théorique pour y accéder, le brevet, et le niveau réel, un bac + 2. Il existe par conséquent un fort décalage en matière de rémunération », commente Alain Porteils, dirigeant territorial, auteur de « Comprendre les impacts du management au quotidien. Etudes de cas pour améliorer ses pratiques et ses comportements » (1).
Manque de reconnaissance
Dans notre baromètre 2022, la question de la rémunération est particulièrement prégnante. Le maintien du pouvoir d’achat s’affiche comme la toute première priorité à laquelle devrait s’attaquer leur collectivité selon 40 % des personnes sondées, en hausse de 6 points en un an. Et ce, bien avant la qualité de vie et des conditions de travail (27 % des répondants, en baisse de 3 points en un an) ou le maintien de la qualité des services publics locaux (15 %, en recul de 5 points en un an).
D’ailleurs, la satisfaction à exercer une mission de service public marque globalement le pas, perdant 4 points en un an, même si elle atteint un score tout à fait honorable de 79 % de répondants. « Le sens du service public est beaucoup moins marqué que par le passé. Il faut être idéaliste pour cela. Et comment reprocher à des agents payés tout juste au Smic de ne pas avoir le sens du service public ? » constate, amer, le DRH d’une commune normande de 200 agents.
Pour autant, les territoriaux sont convaincus de rendre un service de qualité aux usagers, quelle que soit leur catégorie (malgré un léger repli parmi les « B »).
Insatisfaits de leur niveau de rémunération, les agents souffrent en outre d’un manque de reconnaissance, à 59 %. Celui-ci est très marqué quand il émane des élus (59 % d’insatisfaction, avec un gain de 6 points en un an) et de la hiérarchie (51 %).
La gratitude des usagers marque elle aussi le pas, puisque 62 % des agents s’en déclarent satisfaits, un taux en recul de 7 points en un an, tandis que la reconnaissance sociale liée au métier n’atteint que 44 %, là également en baisse, de 4 points. Seule note d’optimisme : les sondés savent pouvoir compter sur leurs pairs ou leurs collègues (à 76 %, en hausse de 3 points).
Ce manque de reconnaissance se révèle problématique, alors que de nombreuses études confirment qu’elle est un puissant levier de motivation et que les agents la situent au quatrième rang des causes de leur épanouissement professionnel (voir le graphique n° 2). Sur cette question, ce sont la rémunération et l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle qui trustent les deux premières places.
Peu de confiance dans l’avenir
Selon leur catégorie, les agents priorisent cependant différemment les trois critères essentiels à leur épanouissement professionnel. Là où les cadres « A » donnent la préférence aux relations avec les membres de leur équipe, puis à l’équilibre vie professionnelle - vie personnelle et, enfin, à la relation avec leur hiérarchie, les agents « B » et « C » placent la rémunération en tête, puis l’équilibre de vie et les relations avec les membres de l’équipe pour les premiers et la reconnaissance et l’équilibre de vie pour les seconds.
Les perspectives professionnelles ne sont guère plus réjouissantes, puisque seuls 34 % des agents sont confiants à ce sujet, un sur cinq envisageant sereinement ses possibilités d’avancement. Ce pessimisme est encore plus marqué pour l’avenir du service public : 81 % des personnes sondées ne sont pas du tout confiantes (+ 6 points en un an) et 86 % se disent très circonspectes quant à l’évolution du statut de la territoriale.
Dans ce contexte, plus de la moitié des agents estiment que leur niveau de bien-être s’est dégradé au cours des douze derniers mois, un score stable depuis trois ans. Et leur niveau de fatigue est en hausse, avec une note moyenne de 3,8/5 pour la fatigue nerveuse (qui se dégrade particulièrement parmi les agents C) et de 3,1/5 pour la fatigue physique.
Des chiffres qui sonnent comme un signal d’alarme : à l’heure où les collectivités peinent à recruter, l’amélioration de la qualité de vie au travail devrait constituer une priorité… une tâche cependant rendue plus difficile par le manque de personnel dans certains services.
Crise managériale en germe
Par ailleurs, 62 % des répondants disent ressentir une pression excessive de la part de leur hiérarchie. « On retrouve là les conséquences de la crise sanitaire, très anxiogène et qui a fragilisé le monde du travail en général, en particulier le management des agents, sous-encadrés ou encadrés par des managers à la fois au four et au moulin », observe Alain Porteils, qui prédit une crise managériale à venir.
Si la pression des élus (49 %) et celle des usagers (43 %) restent un peu moins caractérisées, elles progressent fortement (+ 7 et + 8 points en un an). Résultat : le niveau de stress est élevé, concernant 81 % des agents interrogés et même 89 % de ceux travaillant dans les filières sociale et médicosociale. D’ailleurs, 44 % des répondants reconnaissent mal gérer leur stress, les agents C étant ceux qui en souffrent le plus.
Les répercussions de ce mal-être au travail sont loin d’être négligeables : 60 % de l’échantillon estiment que le travail impacte négativement leur sommeil et 51 % leur santé de manière générale. Seuls 10 % des sondés ne mentionnent aucun impact négatif. Les agents de la catégorie C sont les plus durement touchés : 30 % d’entre eux (+ 16 points en un an) déclarent une activité de travail intense ou très intense et 53 % en mesurent les conséquences délétères sur leur état de santé.
« Les chiffres sont édifiants : dans la territoriale, hors Sdis, 94 % des maladies professionnelles sont des troubles musculosquelettiques, selon le rapport sur les données générales 2019 de la banque nationale de données de la CNRACL (2). Les risques psychosociaux [RPS] gagnent aussi du terrain. Notre centre de gestion observe une hausse significative des demandes de reconnaissance en accident de service et/ou en maladie professionnelle d’évènements en lien avec les RPS », assure Fanny Corre, responsable du pôle « prévention et santé au travail » du centre de gestion du Finistère (426 collectivités, plus de 13 000 agents suivis).
Références
Méthodologie : étude menée en ligne du 29 août au 30 septembre 2022 auprès de 4 756 agents de la FPT, parmi lesquels 79 % de femmes, 55 % de personnes âgées de 41 à 55 ans, 23 % d’employés municipaux d’une ville de 10 000 à 50 000 habitants et 40 % d’agents de l’administration générale. Etude produite par Infopro Digital études(etudes@infopro-digital.com).
Publié le 04/11/2022
ans : lagazettedescommunes.com