FONCTION PUBLIQUE : 27 PROPOSITIONS POUR ACCROÎTRE LA DIVERSITÉ SOCIALE
Alors que les discriminations à l’embauche restent « plus fréquentes » dans les hôpitaux et les collectivités que dans la fonction publique de l’État, l’association La Cordée va présenter une série de préconisations visant l’ensemble du secteur public, demain, à l’Assemblée nationale. Notamment pour le rendre plus attractif.
Alors que « partout sur le territoire, le service public subit une crise d’attractivité », l’association La Cordée vient de publier sur son site une série de solutions qu’elle présentera demain à l’Assemblée nationale devant les ministres de la Fonction publique et de l’Égalité des chances, Stanislas Guerini et Isabelle Rome, ainsi que la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse, Sarah El Haïry.
Créée il y a six ans par d’anciens élèves de la classe préparatoire « Égalité des chances » de l’ENA, cette association de promotion de la diversité sociale dans les secteurs public et parapublic (qui travaille sur les trois versants et sur tous types d’emplois, avec une certaine orientation sur les cadres A et A +) estime que cette crise d’attractivité est nourrie par « deux principales causes » : « La réduction chronique de ses moyens » et le « manque d’ouverture sociale » du secteur public, et notamment de la haute fonction publique qui resterait « un symbole de reproduction sociale ».
Des chances de recrutement limitées selon le nom
Parmi une série de données statistiques, La Cordée rappelle que « si votre père est énarque vous avez 330 fois plus de chances » d’être admis à l’Institut national du service public, l’ancien ENA. Il y a également « 21 % de chances en moins d’être recruté comme cadre public avec un nom à consonance maghrébine », dénonce-t-elle, en s’appuyant sur plusieurs études.
En fin d’année dernière, une enquête sur « l’état de la fonction publique » réalisée par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a montré, grâce au « testing », que les discriminations persistaient dans l’accès à l’entretien d’embauche.
Les auteurs de ce travail confirmaient ainsi que les candidats dont le nom et le prénom indiquent qu’ils sont d’origine maghrébine ont « moins de chances d’avoir une réponse positive » à leur candidature, notamment dans la fonction publique.
Parmi leurs résultats, les chercheurs constatent donc « une forte exposition aux discriminations » pour ces candidatures, après l’analyse de 2015 à 2021 des réponses à près de 2 600 offres d’emploi pour des postes de cadre administratif et d’aide-soignante (deux métiers qui connaissent des difficultés de recrutement et où les employeurs sont donc plus réticents à refuser une candidature). « Les écarts [de succès] sont même en augmentation » pour les cadres administratifs depuis 2015, révélaient-ils.
Discriminations « plus fréquentes » dans les collectivités
Reste que des différences « significatives » apparaissaient également entre les trois versants de la fonction publique, pour ces deux professions. Les discriminations à l’embauche s’avéraient ainsi « plus rares dans la fonction publique de l’État », alors qu’elles étaient « plus fréquentes dans la fonction publique hospitalière et dans la fonction publique territoriale », selon les chercheurs.
Cependant, dans la fonction publique, les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont « moins importantes que celles mesurées selon l’origine ».
Leurs résultats montrent également que « les discriminations à l’embauche selon le handicap sont fortes, du même ordre de grandeur que celles selon l’origine, à la fois dans la fonction publique et dans le secteur privé ».
Testing, index de l’égalité, plan de responsabilité sociale…
Pour remédier à cette situation et accroître la diversité sociale dans la fonction publique, l’association La Cordée fait donc une trentaine de propositions sous les thèmes de « l’attractivité », du « rayonnement » et de « l’exemplarité ».
Elle propose ainsi de mener des campagnes régulières de « testing », réalisées « sous l’autorité du Défenseur des droits », sur le recrutement des agents publics contractuels dans les grandes administrations, mais aussi de déployer « l’index de l’égalité professionnelle » auprès de tous les employeurs publics (à l’instar des entreprises de plus de 50 salariés) et d’« imposer à chaque administration de plus de 1 000 agents l’élaboration d’un plan de responsabilité sociale ». « Ces grandes administrations devront définir les actions les plus adaptées à leur contexte et leur territoire en associant [notamment] l’ensemble des agents […]. Ces plans seront financés par la réservation d’une enveloppe à hauteur de 0,1 % de la masse salariale », détaille l’association.
Cette dernière préconise également de « faciliter » l’accès à la fonction publique des habitants des quartiers prioritaires de la ville et des territoires ruraux en « systématisant un volet ‘’accès à la fonction publique’’ dans les politiques locales de la ville et les programmes en faveur de la redynamisation des territoires ruraux ».
Parmi les autres recommandations, La Cordée suggère de « refonder le système de rémunération des agents publics afin qu’ils soient davantage compétitifs vis-à-vis du privé », de « pérenniser et amplifier » le dispositif « Prépa Talents » (qui permet aux jeunes d’origine modeste d’obtenir une bourse annuelle de 4 000 euros ainsi qu’une aide au logement et à la restauration), de mettre en place « un revenu minimum de 800 euros par mois » pour les étudiants se préparant à un concours de la fonction publique « sous conditions de ressources », ou encore de « réviser les épreuves de concours pour les centrer sur les compétences attendues et limiter les biais de discriminations ».
Elles proposent également de « généraliser le pré-recrutement pour les métiers en tension » de la fonction publique en se fondant sur le modèle du pré-recrutement des enseignants qui permet à l’étudiant de bénéficier d’une rémunération et du financement de sa formation par l’administration. La Cordée recommande donc de « généraliser ce dispositif sur les principaux métiers en tension (éducation, enfance, santé, social, etc.) au niveau national et d’expérimenter sur des bassins d’emploi en politique de la ville et en milieu rural une version étendue à d’autres types de métiers en lien avec les besoins en recrutement des administrations locales ».
Télécharger les 27 propositions de La Cordée.