ACCIDENT DE SERVICE : DES CONDITIONS DE TRAVAIL DÉGRADÉES PEUVENT JUSTIFIER L’IMPUTABILITÉ D’UNE SUICIDE AU SERVICE

Le juge administratif analyse le suicide dans les conditions de droit commun de l’accident de service. Le geste suicidaire est entendu comme à la fois le suicide, la tentative de suicide et, plus généralement selon toutes les hypothèses de violence retournée contre soi.

En application de l’article L. 822–18 du code général de la fonction publique, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans ou à l’occasion de l’exercice des fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, est présumé imputable au service, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service.

Il en va ainsi lorsqu’un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l’absence de circonstances particulières l’en détachant. En dehors de ces hypothèses, l’imputabilité est également entretenue si le suicide ou la tentative présente un lien direct avec le service.

Saisi dans le cadre d’un contentieux, le juge administratif recherchera la cause adéquate du suicide comme dans le droit commun de la responsabilité. Le fait que le geste suicidaire se soit produit sur le lieu et dans le temps de service ne suffit pas à le regarder comme imputable, dans la mesure où il résulte d’un acte de volonté lui conférant le caractère d’un fait personnel de l’agent.

Même si le suicide comporte une part personnelle irréductible, que certains facteurs propres à une personne peuvent faciliter, il relève aujourd’hui des risques professionnels qui sont susceptibles de se réaliser et auxquels sont exposés les salariés, .

La Cour de cassation considère, depuis 1982, que les suicides ou tentatives intervenus sur le lieu et pendant les horaires de travail relèvent de la présomption d’imputabilité qui s’applique à tous les accidents (Cour cassation n° 81-14.698 du 23 septembre 1982). La cour estime que l’employeur ne peut écarter cette présomption que s’il prouve que le décès avait une cause totalement étrangère au travail (Cour cassation n° 11-22.134 du 12 juillet 2012).

Toutefois le juge administratif continue d’apprécier, dans chaque cas, l’imputabilité au service du suicide ou de la tentative et, pour retenir cette imputabilité, analyse les circonstances de temps et de lieu.

Le fait qu’un employeur public oppose que le geste de l’agent est imputable à ses difficultés personnelles et familiales et que son état dépressif pourrait résulter aussi d’une maladie, ces éléments – mêmes d’ils sont établis – ne constituent pas des circonstances particulières détachant le suicide du service, dont la cause directe se trouve dans l’état de grande fatigue physique et mentale que ressent le fonctionnaire dans son environnement de travail, et dans la dégradation psychologique qui s’en est suivie.

En cas de décès imputable, les ayants droit du fonctionnaire bénéficient de la pension de réversion et de la moitié de la rente d’invalidité dont le fonctionnaire aurait pu bénéficier (articles 37 et 40 du décret n° 2003–1306 du 26 décembre 2003).

La qualité d’ayant droit ouvre la possibilité d’une indemnisation du préjudice moral au titre d’une responsabilité sans faute.

Source: ESLET

28 janvier 2023
naudrh.com