RÉFORME DES RETRAITES : TOUJOURS MOBILISÉS ET DÉTERMINÉS, RENDEZ-VOUS LE 6 AVRIL 2023

La colère ne retombe pas contre la réforme des retraites que le gouvernement tente de faire passer en force. Pour la dixième journée d’appel à la mobilisation interprofessionnelle, si la mobilisation a enregistré un léger recul, il est très léger puisque plus de deux millions de manifestants déterminés ont encore défilé dans toute la France ce 28 mars ou participé à des actions pour faire reculer le gouvernement, à l’appel de l’ensemble des organisations syndicales et de jeunesse. Une nouvelle journée nationale interprofessionnelle de grève et de manifestations est annoncée le 6 avril.

On n’a pas le droit d’arrêter maintenant la mobilisation, c’est trop important, on doit montrer qu’on est là et qu’on ne lâche pas l’affaire. La main tendue du gouvernement c’est trop tard, on n’en veut plus, aujourd’hui c’est retrait de la réforme des retraites, point, prévient Stéphane, 38 ans, qui manifestait ce 28 mars dans le cortège parisien. Salarié chez Boulanger au service après-vente, il a été de toutes les journées de mobilisation interprofessionnelle. Les grèves lui ont fait perdre cinq jours de salaire en mars. Mais je suis encore prêt à me serrer la ceinture pour gagner deux ans de retraite plus tard, assure le militant qui se dit motivé comme jamais. On défend aussi un modèle de société. Un jeune sur quatre ne trouve pas de travail et on veut faire travailler les vieux.

Renaud, 52 ans, est informaticien à l’AP-HP hôpitaux de Paris et élu FO à la commission consultative paritaire. Lui aussi a participé à toutes les journées d’actions nationales interprofessionnelles contre le recul de l’âge de départ à 64 ans et l’allongement de la durée de carrière. Pour tenir financièrement, ce contractuel fait grève par demi-journée. Je me suis fixé comme limite trois jours et demi de grève par mois et jusqu’à présent, ça a été compatible avec les appels à la mobilisation, explique-t-il. Il se dit dégoûté par le passage de la réforme par 49.3 La veille encore le gouvernement disait qu’il ne voulait pas utiliser cet arme constitutionnelle, j’ai horreur du mensonge, explique-t-il. Avec cette réforme, il ressent aussi beaucoup d’injustice. J’en suis aux trois-quarts de ma carrière et on change les règles en cours de route, poursuit-il. Je m’étais syndiqué à FO il y a huit ans par reconnaissance pour le travail syndical, mais désormais je lutte aussi pour moi-même et je compte sur les syndicats pour poursuivre la mobilisation.

Comme eux, plus de deux millions de manifestants déterminés, avec la jeunesse encore très présente, ont défilé dans toute la France pour cette dixième journée nationale interprofessionnelle d’actions contre la réforme des retraites, lancée par l’ensemble des organisations syndicales et de jeunesse. Des centaines de cortèges ont été organisés dans toute la France. Les manifestants étaient 450 000 à Paris. La mobilisation a aussi été forte en province avec 170 000 manifestants à Marseille ou 150 000 à Toulouse, 60 000 à Nantes, 45 000 à Grenoble, 20 000 à Amiens, comme à Montpellier, 10 000 à Béziers, 16000 à Tarbes, 15 000 au Puy-en-Velay, 12000 à Cherbourg, 10 000 à Angoulême, 5000 à Laval, ou encore 1500 à Mende.

Barrages filtrants et opérations escargot

A Nantes, la mobilisation a réuni 60 000 manifestants. Il n’y pas d’essoufflement. Dans le cortège, on sent que la colère et l’envie de gagner est toujours là affirme Michel Le Roc’h, secrétaire général de l’UD FO de Loire-Atlantique. Pour lui, le gouvernement est de plus en plus isolé. Je ne vois pas comment il peut continuer à refuser de retirer cette réforme des retraites. En parallèle de la manifestation nantaise, des piquets de grève ont été installés devant quelques entreprises, comme Manitou ou au siège de Quo-Vadis à Carquefou.
A Brest, où le cortège a réuni 24 000 personnes, les étudiants sont toujours là, aux côté notamment des agents des impôts, du service public des eaux du Ponant ou du CHU de Brest note Catherine Créach, secrétaire générale de l’UD FO du Finistère.

A Lille aussi, la détermination des manifestants reste intacte. Il y a eu du monde aujourd’hui. La cadence tient : les camarades restent motivés pour obtenir le retrait de cette réforme !, assure Audrey Dujardin, secrétaire générale de l’UD FO du Nord. Dans le cortège, il y a eu beaucoup d’étudiants mais aussi des gens nouveaux qu’on avait pas vu auparavant. Pour elle, rien n’est plié, et le mouvement ne faiblit pas : Cela fait dix ans qu’on n’avait pas vu une mobilisation pareille. En plus de Lille et Dunkerque, il y a à chaque fois des manifestations locales partout, à Maubeuge, Valenciennes ou Douai. L’UD du Nord continue la bataille pour obtenir le retrait de la réforme des retraites : On continuera nos réunions hebdomadaires pour décider des blocages et des autres actions à venir, déclare la militante. Après ce 28 Mars, une réunion de l’union départementale de FO devrait se tenir la semaine prochaine, après celle de l’intersyndicale.

Outres plusieurs centaines de cortèges, la mobilisation s’est également poursuivie sous forme d’actions et de blocages. Ainsi à Lille, à 7 h 00, à l’initiative de FO Transports avec les autres syndicats de l’intersyndicale, une soixantaine de militants ont occupé deux gros ronds-points desservant le centre régional de transport (CRT) de Lesquin, un centre logistique névralgique près de Lille. Des opérations escargots ont aussi eu lieu pendant deux à trois heures, notamment sur l’autoroute A1 reliant Lille à Paris. Ca a provoqué de jolis bouchons ! se réjouit Audrey Dujardin.

Dans le Finistère, il y avait au menu de la journée des barrages filtrants avec tractage sur quatre ronds-points à Brest et un autre à Morlaix. FO et l’intersyndicale ont également bloqué l’incinérateur de déchets ménagers de Spernot au nord de Brest, comme ils le font régulièrement depuis le 20 mars, perturbant la collecte des ordures de la ville. Les militants ne laissent l’accès qu’aux déchets de l’hôpital. Pour la suite, l’intersyndicale prévoit plusieurs actions dont un concert de casseroles dans le centre-ville de Brest le 3 avril.

A Tarbes, le courant a été coupé à la sous-préfecture dans la matinée, tandis qu’une opération escargot était menée depuis Argelès-Gazost. Un barrage filtrant a été mené à Evron, en Mayenne, suivi d’une opération escargot jusqu’à Laval. A Caen, le périphérique a été bloqué dès 5 heures du matin. La Tour Eiffel est elle aussi restée fermée au public à la suite d’un appel à la grève lancé par FO et une autre organisation syndicale.

Le mouvement est reconduit tous les jours chez les cheminots depuis le 7 mars

Des secteurs restent très mobilisés comme ceux du transport. Ce matin, il y a eu des blocages à Caen, Rouen, Lille, Bordeaux, Rennes et Lorient. Mais aussi également des grèves reconductibles dans le transport urbain. En Ile-de-France par exemple, les transports en commun de la RATP sont restés très perturbés.

Les cheminots sont en grève reconductible depuis le 7 mars. Des AG se réunissent tous les jours et à chaque fois le mouvement est reconduit, explique Philippe Herbeck, secrétaire général de FO cheminots, qui défilait lui aussi dans le cortège parisien. Selon ses estimations, le plan de transports était à 50% de ses capacités normales ce 28 mars. Il appelle à faire grève jusqu’au retrait de la loi réformant les retraites. Les cheminots sont déterminés. C’est même la première fois qu’ils participent autant à des actions interprofessionnelles organisées localement par les unions départementales, souligne-t-il.

Dans le secteur de l’énergie aussi les agents restent déterminés, que ce soit dans les centrales nucléaires, sur les sites Enedis ou côté gaziers dans les terminaux méthaniers et sur les sites de stockage. La plupart des piquets de grève ont été maintenus ce 28 mars et il y a des tas d’actions un peu partout, il y a une volonté réelle de maintenir la pression pour pouvoir se faire entendre, explique Alain André, secrétaire général de la fédération Energie et Mines FNEM-FO, en montrant la multitude de messages reçus sur son téléphone portable. Bien que ce soit la dixième journée d’action interprofessionnelle, on ne sent pas de résignation..

Dans ce secteur, si la réforme des retraites entrait en application, ce serait une attaque à double-lame pour les électriciens et gaziers, avec d’une part la fin de leur régime spécifique, et d’autre part l’allongement du temps de carrière et le recul de l’âge de départ à 64 ans dans le régime général.

Dans le secteur de la santé privée aussi, les salariés sont dans la lutte. Les cliniques de Cherbourg sont en grève et samedi prochain, ils participeront à l’action prévue à Vire, sur les terres électorales d’Elisabeth Borne, raconte Franck Houlgatte, secrétaire général de la fédération FO de la santé privée. D’autres salariés ont participé au blocage de l’aéroport de Biarritz ou au blocage de ronds-points à La Réunion. On n’a jamais reçu autant de coups de fil de réquisition de personnels, c’est bien la preuve que ça bouge. On peut entrer en Ehpad dès 60 ans, mais il faudra travailler jusqu’à 64 ans pour s’occuper de ces personnes, alors que les personnels sont déjà cassés du dos à 50 ans.

Pour FO, ni recul de l’âge de départ ni allongement de la durée de carrière

L’intersyndicale s’est réunie en fin de journée pour décider de la suite de la mobilisation. Pour sortir le pays de la grave crise sociale qu’il a lui-même créé, le gouvernement prétend tendre la main aux organisations syndicales. La première ministre Elisabeth Borne s’est dit être à la disposition des partenaires sociaux les invitant mais sans sans ordre du jour. Quid des questions de pénibilité ou de reconversion professionnelles ? Tous les sujets en lien avec le travail seraient sur la table… sauf la question des retraites, pourtant au cœur de la bataille.

L’exécutif nous tend la main en disant venez discuter mais pas des retraites. Or pour nous il ne doit y a voir ni recul de l’âge de départ, ni allongement de la durée de carrière, a prévenu le secrétaire général de FO Frédéric Souillot depuis le carré de tête de la manifestation parisienne. On avait prédit l’explosion sociale, on l’avait écrit au président de la République, la colère est légitime. Il va falloir trouver une solution pour sortir de là mais le préalable c’est la suspension ou le retrait de la réforme, si le gouvernement veut sortir par le haut, qu’il retire son projet.

En réponse à Elisabeth Borne, l’ensemble des organisations syndicales ont adressé un courrier commun au Conseil constitutionnel pour faire annuler la loi. Nous rappelons que c’est une réforme injuste et brutale qui n’a pas été votée par l’Assemblée nationale, ce qui la rend encore plus illégitime, poursuit Frédéric Souillot. Nous critiquons aussi le choix du véhicule législatif choisi, un projet de loi de finances rectificative de la sécurité sociale un mois après le vote de la loi et sans qu’il ne se soit rien passé depuis, ni pandémie, ni guerre mondiale, qui justifie ce rectificatif. Nous allons appuyer sur tous les boutons pour que ce projet de réforme soit rejeté.

La mobilisation se poursuit. L’intersyndicale appelle à des rassemblements de proximité définis localement avant une nouvelle grande journée de grève et de manifestations jeudi 6 avril, partout dans le pays.


par Ariane Dupré, Clarisse Josselin,
L’Info Militante

28 mars 2023