Un passage orageux avec pluie battante dès le début d’après-midi n’a aucunement découragé les manifestants parisiens. Protégés par les chasubles anti-pluie et les parapluies, à 14h, ils attendaient de pied ferme le démarrage du cortège sur le mode foule des grands jours
place de la République. La statue elle-même avait été affublée d’une chasuble blocage partout
. Les manifestants brandissaient eux déjà les slogans sur les pancartes : pas de muguet, on veut le retrait
,retraité, solidaire des actifs
, Macron, lâche les retraites, occupe-toi de la planète
, les 64 ans, on n’en veut pas, les 43 ans, on n’en veut pas
. Ce 1er mai, journée internationale des travailleurs avait le goût revendicatif et déterminé, à Paris mais bien sûr aussi sur tout le territoire.
Une nouvelle fois depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites, les cortèges ont été particulièrement denses dans des villes grandes, petites ou moyennes. Ainsi 130 000 à Marseille, 100 000 à Toulouse, 33 000 à Brest, 25 0000 à Clermont-Ferrand, 38 000 à Grenoble, 40 000 à Caen, 3 000 à Rodez, 7 000 à Mulhouse, 4 500 à Charleville-Mézières… Et pour cause, cette journée constituait en quelque sorte la 13e journée de mobilisation contre la réforme des retraites depuis le 19 janvier.
Une réforme toujours massivement rejetée
Adoptée à coup de 49.3 le 16 mars, promulguée dans la précipitation le 15 avril, quelques heures après la censure partielle par le Conseil constitutionnel, cette réforme -portée par une loi de finances rectificative de la Sécurité sociale-, est toujours massivement rejetée : par les trois-quarts de l’opinion et par 94% par les travailleurs. Et ces derniers n’ont pas l’intention de lâcher le combat. Avec l’intersyndicale -qui se réunit de nouveau le 2 mai- ils demandent le retrait de cette réforme injuste et qui se traduirait par un recul social. Après les multiples rassemblements/concerts de casseroles visant, depuis l’intervention télévisée du président de la République le 17 avril dernier, à montrer d’une nouvelle façon son opposition à l’entêtement de l’exécutif sur les retraites, après les sifflets et cartons rouges brandis au Stade de France le week-end dernier, ce 1er mai constituait donc la première grande mobilisation depuis la promulgation de la loi. Une mobilisation à laquelle l’intersyndicale (huit organisations syndicales et cinq de jeunesse) appelait de manière unitaire et rien que cela c’est historique
appuyait le secrétaire général de FO, participant au cortège parisien. Tradition d’hommage chaque 1er mai pour FO, Frédéric Souillot s’était rendu le matin avec une délégation de l’URIF-FO au Père Lachaise, au Mur des Fédérés (les combattants de la Commune de Paris fusillés en 1871), y déposant une gerbe ainsi que sur la tombe de Léon Jouhaux.
Élisabeth Borne prévoit des rencontres avec les syndicats
L’appel (le 17 avril) de l’intersyndicale à faire du 1er mai une mobilisation unitaire et populaire
a donc trouvé une réponse ample et la mobilisation est plus que réussie. Là encore, rien d’étonnant. Trois mois que le gouvernement ne veut rien voir ni entendre
soulignaient plusieurs secrétaires confédéraux FO participant aux manifestations en province. Or, cette surdité et le passage en force de l’exécutif, ça ne passe pas. Des millions de personnes dans tous les secteurs d’activité du secteur privé comme du public l’ont bien compris. C’est la raison pour laquelle nous sommes à nouveau des millions dans la rue pour manifester contre cette réforme. C’est la raison pour laquelle nous continuons
.
Depuis la mi-avril et la promulgation de la loi, le gouvernement ne cesse de déclarer sa volonté de rencontrer les organisations syndicales, ce qu’il s’est refusé à faire pendant trois mois. Alors que le président de la République a décrété cent jours d’apaisement et d’action
, la Première ministre a présenté le 26 avril une feuille de route garni de projets affichés comme nouveaux. Ce qui n’est pas vraiment le cas. Le 28 avril, Matignon indiquait qu’Élisabeth Borne allait, après le 1er mai, adresser aux organisations syndicales des invitations pour des rencontres, a priori en bilatérales. Et la Première ministre de déclarer lors d’une visite sur le site de Safran dans les Yvelines : C’est par le dialogue social finalement qu’on apporte des bonnes solutions au bénéfice des salariés
. Un dialogue que le gouvernement s’est jusque-là employé à bafouer.
Pour une reprise de dialogue avec le gouvernement, FO veut d’abord des garanties
Pour l’instant on ne sait pas ce qui se profile
dans cette volonté du gouvernement de renouer le dialogue, mais ce que l’on sait, c’est qu’il nous faudra des garanties
avant d’aller à une rencontre insistait le 1er mai Frédéric Souillot, évoquant la poursuite de la mobilisation par de très probables nouvelles journées d’actions d’ici juin. Les garanties avant une reprise de dialogue avec le gouvernement, FO compte en demander sur la méthode
souligne le secrétaire général de la Confédération. FO compte aussi par exemple recevoir une réponse sur l’Agirc-Arrco. Le Conseil constitutionnel a en effet censuré le 14 avril l’article portant sur l’annulation en 2023 du transfert du recouvrement des cotisations de l’Agirc-Arrco (donc de retraites complémentaires) vers les Urssaf. FO veut donc savoir s’il y aura, ou pas, une annulation de ce transfert, s’étant élevée contre ce dernier depuis 2020.
Concernant le dossier Travail inscrit dans sa feuille de route, le gouvernement qui vise d’ici l’été à élaborer un pacte de la vie au travail
semble décidé désormais à évoquer avec les syndicats les questions notamment du travail des seniors ou encore de l’usure professionnelle… Ce qu’il a refusé de faire en amont de son projet de réforme des retraites, alors que nombre de syndicats, dont FO, demandaient de parler d’abord de l’emploi, des fins de carrières, de la pénibilité, … FO se montre donc très prudente. Que le gouvernement veuille reprendre les choses par le bon bout, c’est déjà un bonne idée ! Mais alors, pendant ce temps (de discussions avec le gouvernement, Ndlr), il ne faut pas appliquer la loi sur la réforme des retraites. Il ne faut pas que les décrets sortent. Sinon, on prendra cela comme une provocation, et alors on verra…
, indique d’ores et déjà Frédéric Souillot.
InFO militante