L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À L’ASSAUT DES EMPLOIS PUBLICS
L’émergence de l’intelligence artificielle peut faire rêver. Elle peut aussi faire cauchemarder, notamment sur ses effets sur les emplois. Et parmi eux, les emplois publics. Une étude du cabinet Roland Berger projette les conséquences du déploiement de l’IA pour les emplois dans les secteurs privé, et public.
L’étude vient de sortir. Elle s’appelle « L’impact de l’IA générative sur l’emploi en France ». On entendait parler de disparitions d’emplois privés, notamment depuis l’arrivée du fameux ChatGPT depuis peu, mais l’étude du cabinet Roland Berger évoque aussi l’emploi public, qui ne sera pas épargné par la révolution de l’IA générative.
Première phrase choc du rapport. Le secteur public sera plus touché que le secteur privé. 37% des emplois publics sont exposés, contre 32% des emplois privés. Et les emplois occupés par les femmes seront eux aussi plus touchés, car elles occupent des tâches à fort potentiel d’automatisation.
Les métiers les plus exposés sont des métiers tertiaires « à forte composante administrative et/ou intellectuelle ». L’ampleur de l’exposition est la plus importante pour les employés de bureau, avec près de 800 000 emplois exposés.
L’IA pourrait peu à peu remplacer, entre autres les fonctions suivantes :
- Information et réponse aux demandes de renseignement ;
- gestion des données et archivage ;
- les tâches administratives comme les prises de rendez-vous, le traitement de correspondances, l’envoi de circulaires et d’enveloppes…
Le risque d’automatisation touche donc plus particulièrement « les catégories des employés de bureau, de réception, de services comptables et d’approvisionnement ». Au sein de ces catégories de métiers, les métiers des « services du personnel », les « secrétaires » et les employés des « services statistiques ou financiers » représentent les volumes les plus importants avec 420 000 emplois potentiellement menacés d’automatisation.
Hormis les employés de bureau, les bibliothécaires et documentalistes devraient faire partie des métiers les plus touchés dans le secteur public. Les professeurs et instituteurs font aussi partie du lot, mais pas de la même façon. Leur métier serait « augmenté », c’est-à-dire qu’ils gagneraient en productivité. Un enseignant pourrait, par exemple, générer instantanément des dictées adaptées aux difficultés particulières de chacun de ses élèves.
Pourquoi le public plus que le privé ?
Cet impact plus marqué de l’IA sur les emplois dans le secteur public s’explique par la nature « tertiaire » des tâches réalisées. « Le secteur public pourrait être appelé à se tourner vers l’IA générative afin d’améliorer son efficacité opérationnelle, libérant ainsi des ressources pour se concentrer sur des tâches plus complexes, en proximité avec l’usager et nécessitant une expertise humaine. »
Le rapport livre des recommandations aux DRH en vue de cette véritable révolution qui arrive. A la fois pour le public et le privé. Avec des défis majeurs à relever.
Tout d’abord comprendre et quantifier « la nouvelle dynamique ». Dans un premier temps, les organisations publiques et privées, et en particulier les départements des ressources humaines, devront s’attacher à « préciser les conséquences de l’adoption de l’IA générative, tant en termes qualitatifs que quantitatifs ». Cela signifie identifier les métiers concernés, analyser les changements organisationnels nécessaires à mettre en place et définir une feuille de route précise comprenant des scénarios de court et moyen termes.
Ensuite, il faudra accompagner l’automatisation et la « réallocation des ressources humaines ». Les effets de l’automatisation d’une partie des emplois seront « importants » d’après cette étude et les organisations touchées par ces changements devront « déployer des stratégies de transition tenant compte des enjeux de toutes les parties prenantes ».
De nouvelles politiques de recrutement devront être mises en place afin d’adapter le profil des personnes recherchées aux nouveaux métiers reconfigurés, voire créés par l’IA générative (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences).
Former et prendre garde
Il faudra aussi optimiser le potentiel offert par l’IA, susceptible « d’augmenter » de nombreux métiers, en mettant en place des programmes d’adaptation des métiers existants et de formation des employés. L’étude suggère de définir le périmètre des métiers touchés et « s’assurer que l’IA générative ne finisse pas par remplacer totalement les métiers pour lesquels la composante relationnelle demeure essentielle, notamment dans les départements des ressources humaines. »
Il faut se méfier, par exemple, de certains logiciels de recrutement pouvant comporter des « biais » entraînant des discriminations à l’encontre de certaines catégories de population, notamment les femmes.
L’étude suggère, pour le futur proche de former les employés à l’utilisation « optimale et raisonnée » de l’IA générative, en tenant compte des contraintes d’utilisation imposées par le cadre juridique à venir ; veiller à ce que l’IA soit utilisée à des fins « utiles et raisonnables ».
Publié le 06/12/2023
dans : lagazettedescommunes.com
Photo : Pexels