ARRÊTS MALADIE : LE SÉNAT VOTE DE NOUVEAU 3 JOURS DE CARENCES POUR LES AGENTS PUBLICS
Après la commission et contre l’avis du gouvernement, les sénateurs ont adopté en séance un amendement au budget 2024 qui aligne la fonction publique sur le secteur privé en passant de 1 à 3 jours de carence. Comme ce fut déjà le cas par le passé, la mesure a peu de chances d’aboutir.
C’est devenu une habitude du côté du Palais du Luxembourg. À l’occasion de l’examen du budget, le Sénat – à majorité de droite – a de nouveau adopté un amendement portant de 1 à 3 le nombre de jours de carence dans la fonction publique. Comme c’est le cas aujourd’hui dans le secteur privé, les jours de congés maladie des agents publics ne seraient ainsi remboursés par l’assurance maladie qu’à partir du quatrième jour d’arrêt et non plus à compter du deuxième jour d’arrêt.
Déjà adopté en commission, l’amendement en question, déposé par le sénateur LR Claude Nougein, a ainsi été approuvé jeudi 7 décembre lors de l’examen en séance du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Porté par la droite sénatoriale dans un souci d’équité public-privé, cet amendement vise surtout à concrétiser l’une des propositions de réduction des dépenses publiques avancées par Les Républicains dans le cadre de leur “contre-budget” présenté mi-octobre. “Cela ferait 220 millions d’euros d’économies par an dans la fonction publique d’État”, a affirmé Claude Nougein.
Avis défavorable du gouvernement
Ce n’est pas la première fois que les sénateurs poussent à l’instauration de 3 jours de carence dans la fonction publique. Lors de l’examen des derniers projets de loi de finances, la droite sénatoriale avait déjà porté cette mesure et réussi à la faire adopter. Les amendements en question n’avaient pas passé le cap de l’Assemblée nationale, où les députés de la majorité, comme l’exécutif, avaient fait valoir le différentiel de garanties entre le public et le privé en matière de protection sociale complémentaire. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y a encore peu de chances que ces 3 jours de carence soient in fine instaurés dans la fonction publique.
Le gouvernement Borne a en effet émis un avis défavorable sur l’amendement porté par la droite sénatoriale. Un amendement que l’exécutif ne devrait logiquement pas retenir dans le cadre du nouveau recours annoncé au “49.3” sur le PLF 2024. “Il est difficile de comparer strictement les jours de carence dans le secteur public et le secteur privé, a fait valoir au banc le ministre délégué chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave. Dans le privé, à la différence de la fonction publique, un certain nombre de salariés voient leurs jours de carence couverts par leur complémentaire.”
Moindre effet incitatif sur les absences de longue durée
Le ministre souligne néanmoins que la réintroduction en 2018 du jour de carence dans la fonction publique “a été très efficace” en matière de réduction de l’absentéisme, puisqu’“il y a eu une baisse de plus de 40 % des arrêts d’une journée”. “Pour continuer à travailler sur la question de l’absentéisme et des arrêts de travail, je crois aux actions menées sur les sujets de la prévention et de l’organisation du travail”, a ajouté Thomas Cazenave, rejetant ainsi l’idée d’une augmentation du nombre de jours de carence dans la fonction publique.
L’opposition sénatoriale de gauche a aussi émis un avis défavorable sur l’amendement porté par LR. “Cet amendement est une fausse bonne idée pour lutter contre l’absentéisme, c’est une mesure simpliste pour affronter la complexité du problème”, a ainsi souligné la socialiste Colombe Brossel. “Vous prétendez assainir les comptes publics mais en fait vous les aggravez, ce que vous économiserez sur les absences de courte durée, vous le perdrez sur les autres”, a ajouté la parlementaire à l’adresse de la droite en évoquant le moindre effet incitatif du dispositif sur l’absentéisme des agents publics au-delà du premier jour de carence.
Pour rappel, si le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique a contribué à réduire le micro-absentéisme, le nombre d’absences de longue durée a quant à lui augmenté. Comme le confirment plusieurs études récentes, dont celles de l’Insee, citées par Colombe Brossel, le jour de carence a fait baisser les courts arrêts maladie des agents publics, mais pas les longs. De quoi remettre en doute son efficacité et, à plus forte raison, celle d’un passage – plus qu’hypothétique – à 3 jours de carence.
par Bastien Scordia
8 décembre 2023
acteurspublics.fr