CE QUE LES EMPLOYEURS TERRITORIAUX ATTENDENT DE LA RÉFORME DE LA FONCTION PUBLIQUE
Concours, recours au contrat, grilles indiciaires, intéressement, déroulements de carrière… La Coordination des employeurs territoriaux (CET) vient d’adresser une contribution à Stanislas Guerini sur la future grande réforme de la fonction publique que prépare le ministre.
C’est la contribution des employeurs territoriaux à la nouvelle réforme de la fonction publique que prépare le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini. Leur coordination, la CET, vient d’adresser au gouvernement Borne un document comportant une série d’orientations visant à nourrir les débats dans le cadre du chantier sur l’accès, les parcours et les rémunérations dans la fonction publique. Un chantier qui doit aboutir à une nouvelle grande loi en février 2024 dont l’objectif est de rendre la fonction publique “plus moderne et plus attractive”, a expliqué Stanislas Guerini.
Portée par le maire UDI de Sceaux et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Philippe Laurent, la Coordination des employeurs territoriaux prévient d’emblée : il ne faudra pas négliger les spécificités de la fonction publique territoriale dans la future loi. Les élus locaux font ainsi référence à la multitude et à la diversité d’employeurs, de métiers, mais aussi à la très forte proportion d’agents de catégorie C exerçant au sein de la territoriale, ce qui, expliquent-ils, “donne une acuité particulière aux risques professionnels auxquels ces agents sont exposés”. Et ce d’autant plus “dans un contexte d’allongement des carrières”, induit notamment par la réforme des retraites, qui a repoussé de deux ans l’âge légal de départ.
Par leur contribution, les employeurs de la territoriale entendent “réaffirmer leur attachement” au modèle de ce versant pour concilier la “liberté locale de recrutement (traduction de la libre administration des collectivités)” et le “cadre de gestion national qu’est le statut et qui garantit entre autres la continuité, la probité et l’expertise pour les employeurs et la promotion sociale des droits et des devoirs pour les agents”. Le défi de l’attractivité et celui des transitions (écologique, sociale, économique…) appellent néanmoins des évolutions et adaptations, affirme la Coordination des employeurs territoriaux.
Des voies d’accès à réinterroger
Leur contribution aborde ainsi la question de l’accès à la fonction publique territoriale. La baisse de l’attractivité du concours et des déroulements de carrière offerts dans le cadre statutaire “tendent à fragiliser” l’équilibre de gestion traditionnel entre un volant d’agents non titulaires aux côtés d’agents majoritairement titulaires, soulignent les employeurs.
Résultat : le recours aux contractuels a pris de plus en plus d’ampleur “sous la contrainte des difficultés de recrutement”, ce qui a entraîné une “entrée en concurrence titulaires/contractuels”. Dans ce contexte, le statut “souffre de réels handicaps”, explique la Coordination, qui appelle à “redéfinir le rôle et la forme actuelle” d’un concours “qui ne répond pas totalement à la nécessité de diversifier les profils des candidats”.
Les employeurs territoriaux mettent en avant plusieurs orientations, comme le développement des concours sur titre, la mise en place de comités de sélection pour “vérifier l’aptitude d’un contractuel à devenir fonctionnaire”, la révision des épreuves des concours “en vue de réduire leur académisme et de les professionnaliser”, la réduction de la période de service nécessaire pour passer les concours internes, ou encore le renforcement de la période de stage, le développement du tutorat et l’instauration d’une voie d’accès dédiée aux apprentis de la territoriale.
Rééchelonnement des grilles, intéressement…
Deuxième axe abordé par les employeurs territoriaux dans leur contribution : le système de rémunération. Ils appellent à un système “plus lisible et plus équitable pour les agents, plus lisible pour les employeurs, plus modulable localement, plus équitable et plus agile”.
Outre une demande de visibilité pluriannuelle sur les mesures nationales en matière de rémunération, les employeurs de la territoriale poussent à l’introduction d’une modulation territoriale des rémunérations en fonction de différents critères liés au coût de la vie, via une modulation de la part indiciaire ou une remise à plat d’éléments de rémunération comme l’indemnité de résidence. Ils réclament également un rééchelonnement des grilles indiciaires “face au risque d’étouffement et d’essoufflement” ou encore une redéfinition de l’articulation entre régimes indemnitaires et traitement indiciaire afin de réinterroger le rôle de chacun d’entre eux.
Dans leur contribution, les employeurs territoriaux évoquent aussi l’idée de développer les outils RH et financiers de “reconnaissance de l’implication individuelle et collective des agents”. Une orientation qui fait écho à la volonté du gouvernement de développer la rémunération au mérite dans la fonction publique.
Accompagnement des parcours de carrières
Sur la question des parcours de carrières enfin, la Coordination appelle notamment à renforcer les dispositifs d’accompagnement des reclassements et des transitions professionnelles au moyen d’outils ad hoc comme le fonds d’usure professionnelle promis par l’exécutif dans le cadre de la réforme des retraites.
Autres propositions avancées par les employeurs territoriaux concernant ces parcours de carrières : la création de mécanismes de mutualisation des transitions professionnelles, que ce soit au sein de la territoriale, entre les versants ou entre le secteur public et le secteur privé ; la structuration de véritables politiques de gestion prévisionnelle des compétences ; la dynamisation et la fluidification de la promotion interne ; le développement de formations “qualifiantes et certifiantes” ou encore la facilitation du recours à la validation des acquis de l’expérience (VAE).
Risque d’une dualité de statuts et de régimes sociaux
Toujours sur ce sujet des parcours de carrières, les employeurs territoriaux invitent aussi à “interroger le devenir du recours aux contractuels sur emploi permanent” et “le risque de consacrer une dualité de statuts” entre contractuels et fonctionnaires. Ce recours aux contractuels “n’a jamais posé problème dans une logique de souplesse et de continuité du service public”, souligne la Coordination.
“En revanche, ajoute-t-elle, si l’accès direct en CDI devait constituer un principe porté par le gouvernement, il s’opérerait alors un changement de logique majeur qui remettrait en cause la dissociation entre le grade et l’emploi (et) qui questionnerait les garanties d’égal accès aux emplois.” Cela, poursuivent les employeurs de la CET, “consacrerait (aussi) une dualité de régimes sociaux et de systèmes de rémunérations, contribuant à d’importants déséquilibres au détriment de l’équité et de l’égalité”. Autant d’inquiétudes que les employeurs ne manqueront pas de faire remonter pendant la préparation de la nouvelle grande loi de réforme de la fonction publique, mais aussi au moment de son examen par le Parlement.