L’ACCÉLÉRATION DES DÉPARTS À LA RETRAITE VA PESER SUR LES COLLECTIVITÉS
Une étude Inet/Banque Postale pointe la menace que fait peser le vieillissement de la pyramide des âges au sein de la fonction publique territoriale. Avec un agent sur quatre âgé de plus de 55 ans, la perspective de départs à la retraite massifs et une attractivité en berne, les collectivités doivent repenser leur stratégie RH.
En 2020, plus du quart des agents de la fonction publique territoriale (25,8 %) dépassait l’âge de 55 ans. Ce vieillissement des effectifs, avec comme corollaire des départs à la retraite massifs dans les prochaines années, interpelle fortement les collectivités. Ces dernières se trouvent, en effet, dans l’obligation d’anticiper dès à présent le renouvellement de leurs équipes. Pour les décideurs locaux, l’enjeu est clair : assurer la continuité du service public avec le même niveau de qualité pour l’usager, alors que persistent de grandes difficultés à recruter sur certains postes. C’est en substance ce que montre une récente étude (1) réalisée par l’Institut national des études territoriales (Inet) en partenariat avec la Banque Postale.
Le premier enseignement tiré par les auteurs de l’étude met en évidence l’ampleur et la rapidité du vieillissement de la population territoriale. Si tous les versants de la fonction publique sont confrontés à la problématique d’une pyramide des âges vieillissante, la part des séniors croît à un rythme particulièrement soutenu au sein de la fonction publique territoriale (FPT).
En dix ans, la proportion des agents territoriaux âgés de 55 ans et plus a, en effet, bondi de 9,4 points. Entre 2010 et 2020, cette part a augmenté de seulement 4,2 % dans la fonction publique d’État (FPE) et de 5,5 % dans la fonction publique hospitalière (FPH) pour atteindre respectivement 18,4 % et 17,3 % des effectifs totaux de ces versants. À noter que pour l’ensemble du secteur public, le taux d’emploi global des seniors s’élève à 21 % contre 17 % dans le privé.
Disparité en fonction des territoires et des cadres d’emploi
Autre élément pointé par le document : le taux d’agents âgés de plus de 55 ans est plus important parmi les personnels titulaires que chez les contractuels. Là encore, la FPT creuse l’écart puisqu’elle compte 28,6% de seniors parmi les agents titulaires (14,4 % pour les contractuels) contre 22,1 % dans la FPE (15,3 % pour les contractuels) et 19,8 % dans la FPH (8,4 % pour les contractuels).
L’étude montre également que le vieillissement des effectifs n’impacte pas uniformément les territoires. Dans certains départements métropolitains, par exemple, on observe une sur-représentation des seniors dans les collectivités. C’est notamment le cas des Bouches-du-Rhône, des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, de la Seine-Saint-Denis ou du Lot-et-Garonne où les agents les plus âgés représentent respectivement 32,3%, 31,9 %, 31,3 % et 30,9 % des territoriaux.
De même, des disparités apparaissent en fonction des cadres d’emploi. Le vieillissement de la pyramide des âges est particulièrement visible dans certaines filières. Chez les agents de maîtrise titulaires, le taux d’emploi senior atteint 41,4%, alors qu’il est de 35,2% chez les agents des écoles maternelles et de 32% chez les agents techniques. À l’inverse, dans certains métiers, on compte relativement peu d’agents âgés. C’est notamment le cas des adjoints d’animation (dont seulement 12,3 % dépassent le cap des 55 ans) ou celui des auxiliaires de puériculture (où les seniors représentent 19,4 % des effectifs).
Certaines collectivités se préparent à perdre 25 % de leurs agents d’ici à 5 ans
Dans cette situation, les collectivités se trouvent dans l’obligation d’anticiper l’accélération des départs à la retraite qui se profile. D’autant qu’entre 2016 et 2022, l’âge moyen de départ à la retraite dans la fonction publique territoriale est passé de 61 ans et 2 mois à 62 ans et 3 mois.
C’est dans ce contexte que le quart des collectivités interrogées affirme projeter le départ de 15 à 25% de leurs agents d’ici à 5 ans. Un phénomène qui va sensiblement amplifier le mouvement des départs à la retraite constaté en 2020, année où les fins de carrière concernaient principalement les agents des communes (55 %) loin devant ceux des départements (16 %) et des EPCI (11 %). A noter qu’en 2020, les départs à la retraite impactaient principalement la filière technique (54 %), loin devant les filières administrative (25 %) et médico-sociale (13 %).
Au-delà de l’hémorragie annoncée dans les effectifs territoriaux, l’étude souligne que les collectivités font preuve de résilience. « Les départs à la retraite peuvent, en effet, être un moyen de maîtrise de la masse salariale dans un contexte budgétaire contraint et dans la perspective d’une nouvelle contractualisation avec l’État, mais ils peuvent également être l’opportunité de redéfinir le niveau de service public et de faire évoluer certains métiers », soulignent notamment les auteurs du document.
Des chantiers RH à lancer sans attendre
Les collectivités se trouvent donc face à d’importants chantiers RH à lancer dans les prochaines années alors qu’elles pâtissent d’une attractivité en berne puisque 39 % des employeurs territoriaux déclaraient en 2021 éprouver des difficultés à attirer de nouveaux talents. « Pour de nombreux métiers en tension (filière sociale et médico-sociale, petite enfance, animation, métiers à forte technicité notamment), les départs à la retraite peuvent faire courir un risque pour la continuité du service public lorsqu’ils se concentrent dans ce type de métiers », indique l’étude, citant notamment les métiers de chargé de propreté des locaux, d’agent de service polyvalent en milieu rural ou encore d’assistant de gestion administrative particulièrement concernés par le double effet des départs en retraite et du manque d’attractivité pour d’éventuels candidats.
Préparer le « bien-vieillir au travail »
Au-delà des difficultés de recrutement qui guettent les entités territoriales, l’étude souligne que le vieillissement de la pyramide des âges et les départs qui vont en découler risquent de se traduire par « une perte de compétences et de connaissances dommageable pour les collectifs de travail ».
Cependant, le document montre que des opportunités peuvent s’offrir aux collectivités les plus agiles. Ces dernières pourront, par exemple, renouveler leurs équipes en y amenant de nouvelles compétences (numérique …), s’interroger sur la pertinence du poste et son calibrage ou encore réorganiser un service ou une direction. Enfin, les organisations territoriales sont invitées à réfléchir à la prise en charge du vieillissement au travail. « Une politique du bien-vieillir au travail permet de réduire les départs anticipés, les risques d’usure professionnelle, de garder les agents plus longtemps au sein de la collectivité en leur proposant des évolutions de carrières satisfaisantes et d’attirer de nouveaux talents » .
(1) Étude publiée le 21 décembre 2023 et réalisée à partir de 33 entretiens conduits dans les directions RH de10 communes, 3 EPCI, 9 services mutualisés d’intercommunalités et de communes et 11 conseils départementaux.
Télécharger ICI l’étude.
Édition du lundi 22 janvier 2024
Par Emmanuelle Quémard
Pour maire-info.com