FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE : LE CONSEIL SUPÉRIEUR DIALOGUE AVEC STANISLAS GUERINI
Le ministre chargé de la Fonction publique était, ce 28 février, l’invité de l’instance paritaire dédiée à l’examen des projets de textes concernant la fonction publique territoriale. Les représentants syndicaux ont réaffirmé devant lui leur hostilité à la rémunération au mérite et leur volonté d’obtenir des augmentations salariales dès 2024 pour les agents publics. Lors de la séance, le Conseil supérieur a aussi adopté un rapport sur le document unique d’évaluation des risques professionnels.
La séance plénière que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a tenue le 28 février, en présence de Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a été « sereine », selon le président de l’instance, Philippe Laurent, interrogé par Localtis.
Près de trois semaines après sa reconduction au gouvernement, le ministre a rencontré les membres de l’instance de dialogue de la fonction publique territoriale, notamment pour leur confirmer qu’il présentera au second semestre un projet de réforme de la fonction publique. Sur ce sujet – comme sur les autres – Stanislas Guerini est apparu très prudent dans ses propos, sachant certainement qu’il avance sur des œufs, par exemple sur la rémunération au mérite, qui doit être au cœur du projet de loi. Le ministre n’aurait pas prononcé le mot, à la différence des représentants syndicaux, qui ont mis les pieds dans le plat. « Nous avons tous pointé qu’il fallait qu’il revienne sur le salaire au mérite », relate Damien Martinez, représentant de la CGT. En sachant que du côté des employeurs territoriaux, il n’y a pas non plus d' »engouement » pour ce projet de réforme, comme le fait remarquer Philippe Laurent. Sauf si les employeurs ont l’obligation de fixer – par exemple à un taux de « 15% », selon le président du CSFPT – un plancher pour le complément indemnitaire annuel (CIA), c’est-à-dire la part des primes qui permet de « reconnaître spécifiquement l’engagement professionnel et la manière de servir des agents ». Dans ce cas, « ça peut passer », estime Philippe Laurent.
Couverture santé et prévoyance des agents
Le projet de loi en préparation contiendra aussi une disposition permettant de réviser l’ordonnance de février 2021 fixant une obligation de participation des employeurs publics locaux à des dispositifs de complémentaire santé et prévoyance pour leurs agents. « Le ministre nous l’a assuré », souligne Laurent Mateu, secrétaire fédéral de FO territoriaux et membre du CSFPT. L’accord signé en juillet 2023 par les organisations syndicales et les employeurs territoriaux sur le volet prévoyance (voir notre article) sera ainsi respecté, ce dont se réjouissent leurs représentants. Mais ces évolutions législatives n’interviendront que plusieurs mois après les modifications réglementaires. En effet, le décret toilettant les décrets de novembre 2011 et avril 2022 sur la protection sociale complémentaire dans la fonction publique territoriale devrait être publié en juillet prochain, selon la direction générale des collectivités locales. A cette fin, l’agenda social de la fonction publique territoriale prévoit, d’ici début avril, plusieurs réunions sur le sujet entre les représentants des employeurs territoriaux et des organisations syndicales et l’administration. En sachant qu’à partir de ce mois de mars, élus locaux et représentants des personnels débuteront la négociation sur le volet santé de la protection sociale complémentaire, avec pour objectif de parvenir à un accord avant la fin de l’année.
Face à des représentants syndicaux qui ont rappelé leur attachement au statut de la fonction publique, le ministre « a voulu être rassurant ». En déclarant, par ailleurs, vouloir « tout mettre en œuvre pour améliorer le sort des personnels », selon Damien Martinez. Comme d’autres représentants syndicaux (ceux de FO par exemple), le militant CGT a toutefois pointé la contradiction entre les intentions affichées par le ministre et la réduction de 10 milliards d’euros en 2024 du budget de l’Etat, intervenue la semaine dernière.
« Année blanche » pour les salaires
Les syndicats sont irrités par la perspective d’une « année blanche » en 2024 pour les rémunérations des agents publics. Une négociation sur les salaires entre le gouvernement, les organisations syndicales et les employeurs publics devrait bien avoir lieu cette année, mais pour fixer des évolutions des rémunérations dans le secteur public pour 2025. Faisant bloc contre le gouvernement, les syndicats appellent ensemble à des manifestations et des grèves, le 19 mars, pour de meilleurs salaires des agents publics. « Un agent qui entre dans la fonction publique territoriale à l’indice 366 peut aujourd’hui prétendre à une augmentation de seulement 83 euros après 19 ans de carrière », s’indigne Laurent Mateu.
Au cours de la séance de ce 28 février, le CSFPT a par ailleurs adopté à l’unanimité un rapport – réalisé après une auto-saisine – sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) dans la fonction publique territoriale.
Évaluation des risques pour les agents : ce que recommande le CSFPTLe rapport réalisé à l’initiative du Conseil supérieur sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp), a fait le plein de voix. Il préconise la création, dans toutes les collectivités, d’une commission spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. L’état des lieux a fait l’objet d’un consensus entre représentants des employeurs et des personnels : 22 ans après la parution du décret qui a établi l’obligation pour les employeurs de se doter d’un document permettant d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité des agents, seulement 45% des collectivités disposent d’un tel outil, celles qui sont défaillantes étant le plus souvent de petite taille. « La complexité du Duerp et la lourdeur de son élaboration » apparaissent comme les principaux freins à la mise en conformité des employeurs territoriaux avec leurs obligations, pointe le CSFPT. Qui, pour parvenir à la généralisation du Duerp, appelle donc à lever ces freins. Le Conseil supérieur recommande par ailleurs qu’une commission spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail soit obligatoire « au sein de toutes les collectivités et établissements publics ». Or, aujourd’hui, une telle commission n’est obligatoire que pour les employeurs territoriaux d’au moins 200 agents (sauf dans les services d’incendie et de secours, où cette condition d’effectifs n’existe pas). Elle prend la forme d’une formation spécialisée du comité social territorial (CST). « Nous avons demandé à Stanislas Guerini d’introduire cette mesure dans le futur projet de loi de réforme de la fonction publique », indique Philippe Laurent. Par ailleurs, la commission ainsi généralisée à l’ensemble des collectivités « doit pouvoir rendre une décision décisive et non un avis consultatif », selon le CSFPT. Les organisations syndicales (CGT, CFDT, FA-FPT, FO, FSU, Unsa) veulent aller plus loin. Dans une contribution commune annexée au rapport, elles plaident pour la création dans la fonction publique territoriale d’un corps spécifique d’inspecteurs du travail, chargés de contrôler l’application des règles de santé au travail. Contrairement aux agents chargés des fonctions d’inspection (Acfi), aujourd’hui en place dans les collectivités, ces inspecteurs n’auraient pas de lien hiérarchique avec l’autorité territoriale. |