DES FILIÈRES À LA PLACE DES CATÉGORIES DE LA FONCTION PUBLIQUE ? L’EXÉCUTIF TENTE DE CONVAINCRE
Dans un document transmis aux syndicats, le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques liste les “premiers enseignements” de la concertation sur la nouvelle réforme de la fonction publique, ainsi que les “points d’approfondissement” pour la suite des discussions. Des éléments qui portent notamment sur la piste d’un système fondé sur des filières professionnelles en lieu et place des actuelles catégories A, B et C.
Le ministre Stanislas Guerini ne cesse de le répéter : il veut mettre sur la table la question de la suppression de l’organisation de la fonction publique par catégories (A, B et C). Une perspective vivement critiquée par les syndicats, qui y voient une atteinte au statut et à la fonction publique de carrière. Alors que la concertation sur le nouveau projet de loi de réforme de la fonction publique se poursuit, le gouvernement Attal tente aujourd’hui de calmer le jeu avec les syndicats.
“Nous devons interroger la place de certains dispositifs dès lors qu’ils finiraient par constituer des freins ou n’apporteraient pas ou plus la dynamique et la fluidité espérées en termes de déroulé de carrières, de promotion sociale ou de valorisation de l’expérience professionnelle”, a récemment déclaré le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques dans un courrier adressé aux syndicats. “C’est pour cela, ajoute-t-il, que je mets sur la table la question des catégories en même temps que l’approche par filières professionnelles.”
Le ministre l’a concédé auprès des syndicats : “Je n’ignore pas nos divergences à ce stade.” Mais il insiste sur la question des catégories : “J’ai la conviction que c’est un débat nécessaire dont nous devons discuter aussi utilement que possible sans préjuger des décisions que nous prendrions au final.” Pas sûr que cela suffise à apaiser la colère et les inquiétudes des organisations syndicales, alors que la présentation de la réforme est prévue cet automne.
Mieux coller à la réalité des métiers et des parcours
Dans cette attente, le gouvernement apporte de nouvelles précisions s’agissant du devenir de ces catégories. Le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques vient en effet de transmettre aux syndicats et aux employeurs publics un document où sont récapitulés les “premiers enseignements” de la concertation sur le futur projet de loi de réforme, ainsi que des “points d’approfondissement proposés à la poursuite de la concertation”. Autant d’éléments qui donnent des indications sur le système de filières professionnelles voulu par Stanislas Guerini en lieu et place des actuelles catégories, afin de “mieux prendre en compte les logiques professionnelles propres aux grands domaines d’activité dans la construction des parcours de carrière”.
Le ministère le reconnaît dans son document, il existe des “divergences fortes face à une approche qui supprimerait” les catégories administratives A, B et C, qui sont “considérées comme l’un des marqueurs d’une fonction publique de carrière et comme facteur d’égalité et d’alignement des carrières”. Nénamoins, le ministère insiste sur la “persistance” d’un débat “quant à l’adaptation d’une telle classification au regard de la réalité des métiers et des qualifications comme fondement principal des parcours et des grilles”.
Conserver les fondamentaux
Le ministère fait ainsi état d’un “constat largement partagé de la nécessité d’élargir et de faciliter les parcours et la promotion sociale des agents”, “dès lors que les grandes caractéristiques d’une fonction publique de carrière restent présentes”. L’occasion pour le gouvernement de confirmer sa volonté de conserver des fondamentaux statutaires de la fonction publique, comme le système de corps, de cadres d’emplois, de grades, d’échelons ou encore l’accès par concours.
S’agissant de la réflexion sur les progressions de carrière qu’induirait la mise en œuvre de filières professionnelles, le ministère appelle à porter, “en toute hypothèse, une attention à la reconnaissance de l’identité métier des agents”. Aussi, parmi les “points d’approfondissement” pour la suite de la concertation sur la réforme, l’exécutif insiste sur la “mise en avant des gains à retirer de la constitution de filières”. Et ce pour “mettre en œuvre de manière plus opérationnelle la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et compétences)”, “élargir les parcours (horizontaux entre métiers et entre filières) et la promotion sociale (parcours ascensionnels)”, “mieux prendre en compte les besoins propres à un domaine métiers au sein d’un versant ou de manière commune à plusieurs versants, notamment en matière de grilles de rémunération” mais aussi pour “répondre à des enjeux comme l’égalité professionnelle”.
Valoriser l’expérience professionnelle
Reste encore à préciser les conditions et modalités de mise en œuvre d’une telle “transformation”, explique le ministère dans son document, en évoquant la nécessité de “scénarios possibles” et d’une analyse des impacts qu’aurait ce système par filières “sur l’organisation et la classification des corps et cadres d’emplois” ainsi que sur la politique de rémunération des agents publics. Pour la suite de la concertation et si évolution vers une logique de filières il y a, le ministère promet aussi d’identifier des “leviers de nature à favoriser la mobilité et la progression de carrières entre filières (détachement-intégration/concours internes)” comme à favoriser “la promotion au sein des filières” via une “meilleure prise en compte de l’expérience professionnelle”.
À ce propos, la Cour des comptes vient d’avancer plusieurs propositions pour “renforcer l’impact” de la validation des acquis de l’expérience (VAE) “sur le déroulement de carrière des agents publics”. Un dispositif qui reste encore méconnu, mal considéré, chronophage et peu mobilisé par les employeurs publics comme par les agents, constate la Rue Cambon. Elle estime que recours accru à ce dispositif permettrait pourtant de répondre partiellement au déficit d’attractivité auquel fait face la fonction publique.
La CGT appelle à la mobilisation à partir du 10 juin
La CGT, premier syndicat de la fonction publique, appelle les agents à se mobiliser à compter du 10 juin contre le projet de loi de réforme de la fonction publique. “Il s’agit d’une remise en cause de la fonction publique de carrière que nous devons combattre”, explique le syndicat en dénonçant une “pseudo-concertation”. “Les buzz médiatiques du ministre Stanislas Guerini sur le « davantage récompenser le mérite », « lever le tabou du licenciement des fonctionnaires » ou encore sur la remise en cause des catégories sont inacceptables et en disent long sur les intentions du gouvernement”, ajoute la CGT dans un communiqué. Le syndicat appelle donc ses organisations “à se déployer” à partir du 10 juin “sur tous les lieux de travail auprès des syndicats et des agents pour débattre, informer des intentions gouvernementales de la nocivité du projet de loi” et “partager les propositions de la CGT”. L’organisation syndicale annonce aussi un “point fort” de ce “nouvel acte de mobilisations” le 20 juin prochain, jour où est prévue la nouvelle réunion multilatérale sur la réforme de la fonction publique.