« IL EST ESSENTIEL DE DÉVELOPPER LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL POUR PRÉVENIR LA SOUFFRANCE AU TRAVAIL »
Spécialiste de la prévention des risques psychosociaux (RPS), Laëtitia Durand invite les administrations à s’intéresser à des solutions peu coûteuses pour améliorer efficacement la qualité de vie au travail (QVT).
Quels besoins identifiez-vous le plus souvent, en matière de risques psychosociaux, au sein des administrations ?
Une grande partie des formations dans lesquelles j’interviens, notamment dans les collectivités, sont obligatoires. Mais la question des risques psychosociaux est une vraie préoccupation du côté des représentants du personnel et des agents. C’est une problématique qui revient car elle est difficile à appréhender et les collectivités n’ont pas forcément les compétences en interne. Je les accompagne pour en comprendre les mécanismes, essayer de poser des diagnostics, et surtout pour voir comment on en arrive à de la souffrance au travail. J’essaye de leur montrer qu’il existe certaines actions qui ne nécessitent pas d’engager de lourds investissements et qui peuvent améliorer certaines situations durablement. L’essentiel étant de définir des objectifs clairs, partagés, de se mettre d’accord sur la notion de travail de qualité et sur ce que l’on attend des agents.
Qu’entendez-vous justement par “travail de qualité” ?
Par exemple, sur l’entretien d’une école. Si les agents considèrent que pour bien faire leur travail, il est nécessaire que tout soit désinfecté tous les jours, ils vont être en difficultés car on ne va pas leur laisser le temps nécessaire pour atteindre ce niveau d’exigence qu’ils se fixent eux-mêmes. Et cela peut générer une situation de souffrance. Sur ce type de problématique, il s’agit d’échanger avec les principaux concernés pour mettre en place une nouvelle organisation et un nouveau mode de management.
Et où en sont les collectivités sur ces questions ?
Je ne sais pas si elles ont bien pris conscience que travailler sur la qualité de vie et les conditions de travail peut être la solution à leurs problèmes. Et cela ne se limite pas, bien sûr, à participer à des séances de sport sur la pause de midi ou, pour les employeurs publics, à mettre en avant la possibilité de bénéficier de cours de yoga. Le développement de ce type de démarches fait que l’on passe à côté de l’essentiel.
Pouvoir s’exprimer et être entendu sont deux aspects fondamentaux pour prévenir la souffrance au travail.
Comment peut-on résumer cet “essentiel” dont vous parlez ?
Amener les collectifs de travail à réfléchir et agir autour du travail, justement, de son organisation et des relations au travail. L’objectif étant de mettre en place des conditions propices à l’épanouissement des agents et qui leur permettent d’être performants dans leur activité professionnelle. Aussi, en développant la capacité à résoudre les dysfonctionnements, gagne-t-on en robustesse.
Et en quoi ce type de procédé est-il une solution efficace pour prévenir la souffrance au travail ?
Deux axes permettent d’agir ou de gagner en capacité d’agir sur son travail. Pouvoir s’exprimer et être entendu sont deux aspects fondamentaux pour prévenir la souffrance au travail. Prenons l’exemple d’agents qui travaillent dehors sur des chantiers en période de canicule. Si leur manager passe les voir pour observer leurs conditions de travail, est à leur écoute et comprend leur situation, elle n’est pas vécue de la même manière par les agents. Cela leur donne la capacité de s’exprimer sur ce qu’ils vivent et d’être entendus. Cela change tout sur le ressenti d’une situation difficile à vivre. Autre exemple, sur une journée de formation que j’ai animée à l’hôpital, le groupe était réparti en 2 équipes ayant 2 encadrants différents, et leur niveau de souffrance au travail était très variable selon l’encadrant. Je ne dis pas que toute la responsabilité repose sur l’encadrant, mais sa capacité à offrir des temps de parole et d’expression sur le travail et de faire confiance pèse beaucoup dans la balance. Mais bien souvent, ces encadrants ne sont pas formés à cela… Dans la plupart des cas, la meilleure solution est de laisser les agents s’organiser au mieux. Et bien souvent, les encadrants font déjà ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, mais il ne faut pas perdre de vue que ce qu’ils mettent, eux, dans leur travail n’est pas forcément ce que d’autres personnes mettent dans leur travail. Il faut passer par une montée en compétences des encadrants, ne serait-ce que par le choix du vocabulaire des acteurs qui interviennent sur les sujets de prévention. Que chacun sache ce que l’on entend par “stress”, “souffrance au travail”, “harcèlement”, “burn-out” ou encore “anxiété”, cela va faciliter la cohésion et la possibilité de créer des actions communes.
Propos recueillis par Marie Malaterre