« ON NE PEUT PAS DÉFENDRE LES SERVICES PUBLICS EN ANÉANTISSANT LEURS VALEURS ET LEUR UTILITÉ SOCIALE »

Dans sa dernière note, le collectif de fonctionnaires Le Sens du service public décortique 6 propositions du Rassemblement national (RN) pour tenter de montrer en quoi elles contribueraient, si elles étaient mises en œuvre, à détruire les services publics tels que nous les connaissons actuellement.

Les services publics ont une longue histoire en France. Ils sont indissociables des principes de solidarité et d’universalité sur l’ensemble du territoire. Tous les citoyens demandent de renforcer le service public, mais ce sera impossible si l‘on brise ses valeurs. Améliorer leur efficacité et s’assurer que les plus vulnérables y trouvent un appui, oui. Les condamner à mourir par la privatisation ou une prétendue “préférence nationale” contraire à toute notre histoire, non. Il est faux de dire qu’on peut “défendre” les services publics en anéantissant leurs valeurs et leur utilité sociale.

Pour Le Sens du service public, les promouvoir, c’est prioritairement : garantir l’accès aux soins par un service public de santé de proximité ; réhumaniser le fonctionnement des services publics par un droit opposable à disposer de plusieurs modalités d’accès ; assurer un financement renforcé et juste des services publics par le lancement d’un chantier de refonte fiscale.

Pour améliorer les services publics, faut-il, comme le propose l’extrême droite :

• Interdire l’accès aux emplois publics aux Français binationaux ? Non, ce serait contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 : “Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux [la loi] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.” Sur les 3,5 millions de Français binationaux, plusieurs milliers sont fonctionnaires et exercent des métiers indispensables aux services publics (infirmiers, médecins, pompiers, professeurs, policiers, ingénieurs…).

• Privatiser l’audiovisuel public ? Non, ce serait contraire à l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 : “La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et à la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.” Et cela remettrait en cause les objectifs de l’article 43 de loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : “Les sociétés de l’audiovisuel public poursuivent, dans l’intérêt général, des missions de service public. Elles offrent au public, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité et leur pluralisme, leur exigence de qualité et d’innovation, le respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis.”

• Supprimer l’accessibilité bancaire de La Banque postale ? Non, cela remettrait en cause l’article 2 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste qui permet à 1,7 million de personnes en situation de fragilité financière d’avoir gratuitement, à La Banque postale, un Livret A et d’effectuer gratuitement des opérations bancaires à partir de 1,50 euro. Pour exercer cette mission de service public, La Banque postale reçoit une compensation par l’État de 287 millions d‘euros que le Rassemblement national souhaite supprimer.

• Baisser de 40 milliards d’euros par an les recettes de l’État ? Non, ce serait contraire aux engagements européens de la France, qui visent à garantir la solidité budgétaire des États européens. Ce serait aussi irréaliste financièrement, alors qu’en 2023, le déficit public était de 153 milliards d’euros (5,5% du PIB). La France n’a pas les moyens de baisser TVA à 5,5 % sur l’énergie (-16,8 milliards d’euros), exonérer les moins de 30 ans de l’impôt sur le revenu (-3,8 milliards d’euros) ou supprimer la cotisation foncière des entreprises (-9 milliards d’euros). De telles pertes de recettes signifieraient automatiquement moins de services publics dans les territoires et de moins en moins de fonctionnaires dans les ministères régaliens, comme l’Éducation nationale, la Santé, la Justice…

• Limiter l’accès aux aides sociales au titre de la préférence nationale ? Non, ce serait contraire aux exigences constitutionnelles des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946, qui prévoient la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées et sans condition de nationalité. En plus d’être contraire à la Constitution, supprimer les allocations familiales aux étrangers travaillant en situation régulière est non conforme au principe d’égalité. Toute personne qui cotise a droit au bénéfice des allocations, qui sont la contrepartie de ses cotisations.

• Plafonner à 10 % les effectifs administratifs dans les hôpitaux publics ? Non, ce serait contraire aux réalités de fonctionnement des hôpitaux publics. Sur 1 million d’agents de la fonction publique hospitalière, le personnel administratif représente déjà 10 % des effectifs hospitaliers (105 000 personnes) et il est estimé insuffisant par les soignants. Baisser le nombre de personnels administratifs n’augmente pas le nombre de soignants, mais engendre un vrai report de charge des missions administratives sur le personnel médical.