LÉGISLATIVES : LES PROGRAMMES DES PRINCIPAUX CAMPS POLITIQUES POUR LA FONCTION PUBLIQUE

À deux jours du second tour des élections législatives, Acteurs publics passe en revue les propositions du Nouveau Front populaire (NFP), du Rassemblement national (RN) et de la majorité présidentielle portant sur ce thème.

Les propositions du Nouveau Front populaire (NFP).

L’alliance de la gauche – réunissant La France insoumise (LFI), le Parti socialiste, Les Écologistes et le Parti communiste français – promet de nombreuses mesures en faveur de la fonction publique en cas d’accession au pouvoir, à commencer par la hausse “immédiate” de 10 % du point d’indice afin de répondre à “l’urgence sociale”. Dans le scénario retenu par le NFP, cette augmentation générale serait “intégralement compensée” pour les collectivités territoriales. D’ici la fin de l’année, les partis de gauche comptent aussi élaborer une “grande loi de pouvoir d’achat” avec notamment une indexation des salaires comme des retraites sur l’inflation, y compris dans la fonction publique.

Outre ce volet sur le pouvoir d’achat, le NFP promet aussi un “paquet législatif” de renforcement des services publics – via deux grandes lois – qui, selon lui, permettra “d’entamer la reconstruction des deux services publics les plus cruciaux, la santé et l’éduction”. En ce sens, la gauche propose d’engager un “plan pluriannuel de recrutement” des professionnels du soin et du médico-social et de “revalorisation des métiers et des salaires” dans ce secteur. Concernant l’éducation, elle promet de réduire les effectifs par classes et d‘”investir” dans l’éducation nationale “à hauteur des besoins”. Le tout notamment “en engageant la revalorisation des grilles de salaires” et “en renforçant les effectifs de la médecine scolaire et de la vie scolaire en reconnaissant leur rôle pédagogique”.

À plus long terme, l’alliance de la gauche souhaite le “retour du service public” via le lancement d’un “rattrapage des postes manquants de fonctionnaires à l’hôpital public, dans le soin et le médico-social, à l’école publique, dans la justice, dans les services et les agences de l’État”. L’occasion pour le NFP d’insister sur son souhait de revaloriser les métiers et les salaires dans la fonction publique.

Dans une interview accordée à Acteurs publics, le député LFI sortant Ugo Bernalicis a livré d’autres précisions sur le programme du NFP en direction des agents publics. Il y annonce la volonté de l’alliance de la gauche de revoir les grilles salariales dans la fonction publique, de lancer un plan de titularisation des contractuels ou encore d’abandonner la réforme de la fonction publique engagée par Stanislas Guerini. “Il n’y aura pas de licenciement des fonctionnaires, de développement des primes au mérite ou je ne sais quelle nouvelle invention managériale visant à rapprocher la fonction publique du privé”, explique-t-il.

Plus largement, le NFP plaide en faveur de la diminution, voire de la suppression des primes au mérite dans la fonction publique qui, selon Ugo Bernalicis, “sont l’outil central pour un management toxique et agressif mettant en concurrence les agents alors même que nous avons besoin de cohésion”.

L’alliance de la gauche souhaite aussi une transformation des primes en rémunération indiciaire afin que celles-ci ouvrent des droits à la retraite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, les primes des fonctionnaires n’étant pas prises en compte dans le caclul de leur retraite. À noter aussi que le NFP compte “abroger la récente réforme de l’annualisation du temps de travail dans la (fonction publique) territoriale” qui, selon elle, “oblige à travailler davantage pour ne pas gagner mieux”. Pour rappel, la règle des 1 607 heures de travail annuelles est entrée en vigueur en 2022 dans la territoriale, comme prévu par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019.

Les propositions de la majorité présidentielle.

Les ambitions du camp macroniste (Renaissance, Horizons, MoDem) pour la fonction publique s’inscrivent dans la droite ligne des travaux initiés par le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, dans le cadre du projet de loi de réforme “pour l’efficacité de la fonction publique” qu’il préparait pour l’automne. Une réforme qui, selon le gouvernement Attal, vise à rendre la fonction publique “plus attractive et plus moderne”. Dans une interview qu’il nous a accordée, Stanislas Guerini confirme ainsi le souhait persistant de la majorité présidentielle de faciliter les promotions, de “mieux développer les compétences”, de “valoriser l’engagement” et donc de ”donner une place plus importante” à la rémunération au mérite “tant au plan collectif qu’individuel”.

“Le mérite est inhérent au statut de la fonction publique depuis son origine, arrêtons de les opposer”, souligne-t-il ainsi en confirmant également son souhait de faciliter les possibilités de licenciement pour insuffisance professionnelle dans la fonction publique pour que les employeurs “puissent mieux agir face aux situations d’insuffisance avec professionnalisme et équité”. “Ses modalités de mise en œuvre sont difficilement applicables” aujourd’hui, insiste le ministre.

Sur le volet salarial, le camp Macron promet de nouvelles revalorisations dans la fonction publique. “Nous continuerons à revaloriser celles et ceux qui font vivre nos services publics”, promet ainsi la majorité présidentielle dans son programme pour les élections législatives. Le camp présidentiel évoque plusieurs pistes en ce sens, notamment des revalorisations ciblées et donc, toujours, le développement de la rémunération au mérite. La majorité, néanmoins, n’envisage aucune hausse du point d’indice pour le moment.

“Une augmentation générale du point d’indice de 10 % serait inéquitable, juge ainsi Stanislas Guerini à propos de la promesse du NFP. En s’appliquant mécaniquement à tous les salaires, elle avantagerait bien plus les plus hautes rémunérations.” À l’inverse, le ministre sortant ambitionne de “combiner plusieurs leviers touchant à la rémunération dans une approche négociée et pluriannuelle” via l’ouverture de négociations annuelles obligatoires (NAO) sur la politique salariale dans la fonction publique, sur le modèle des NAO du secteur privé. Les discussions sur le sujet avaient d’ailleurs débuté avec les syndicats, avant la dissolution. “Au-delà, l’objectif reste la restructuration progressive des grilles pour apporter des réponses adaptées à la réalité des métiers, des qualifications et des durées de carrières”, explique Stanislas Guerini.

Les propositions du Rassemblement national (RN).

Les propositions du RN sur la fonction publique sont peu nombreuses. Sollicité à de nombreuses reprises pour une interview sur le sujet, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella ne nous a pas répondu. Le “redressement de la France” passera par la “restauration de l’État” et de son autorité, a promis le président du RN, Jordan Bardella, en insistant sur sa volonté de “remettre l’État en ordre”. Une promesse qui, mise à éxécution en cas d’accession du RN au pouvoir, aurait des conséquences sur les agents publics.

Dans le détail, le parti à la flamme prévoit notamment de lancer un “plan de rationalisation des agences publiques de l’État” notamment en “débureacratisant” le système de santé et en supprimant les agences régionales de santé (ARS). Il souhaite à la place que les préfets reprennent la main sur la gestion sanitaire au niveau départemental. Pour “relever” le système de santé, le RN entend aussi réduire le “poids” des services administratifs dans les hôpitaux et transférer ces emplois vers les services opérationnels desdits établissements.

Autre proposition du RN qui a suscité la polémique : l’interdiction aux binationaux des “postes stratégiques” et “emplois sensibles” de l’État. Le flou demeure encore sur la liste précise des emplois qui pourraient être ciblés. “Cela concerne très très peu de personnes”, a assuré Jordan Bardella, quand Marine Le Pen a évoqué “quelques dizaines d’emplois”. Le parti d’extrême droite a depuis précisé qu’“une centaine de postes sensibles pour l’intérêt vital du pays” seraient concernés s’il arrivait au pouvoir, et ce notamment dans les domaines de l’informatique, du nucléaire et de la défense. Le RN cite l’exemple du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Le parti précise aussi que cette mesure concernerait “seulement certains binationaux”, que son périmètre “serait évolutif en fonction de l’actualité” et que la liste des emplois concernés serait “définie par décret” après consultation du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). “Est-ce qu’aujourd’hui, on imagine des Franco-russes travailler au ministère des Armées ?” a donné Jordan Bardella comme exemple.

S’agissant toujours de la haute administration, le RN souhaite aussi rétablir les corps préfectoral et diplomatique, “supprimés par Emmanuel Macron” dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique en 2022. Une réforme qui, selon Jordan Bardella, résulte d’une “logique de nomination discrétionnaire véritable fait du prince, malheureusement emblématique”.

Le président du RN a aussi affirmé qu’il nommerait des politiques aux “postes de décision” et plus précisément aux postes de ministres. Il exclut néanmoins un spoils system dans l’administration, cette pratique d’inspiration américaine visant à confirmer ou renouveler les directeurs d’administration notamment en début de mandat. “J’ai toute confiance dans les serviteurs de l’État, notamment les hauts fonctionnaires, pour mettre en œuvre les politiques”, a-t-il assuré tout en souhaitant “rétablir une force de verticalité dans l’organisation de l’État”. “On ne fera absolument pas de chasse aux sorcières dans la haute fonction publique”, a aussi affirmé dans nos colonnes l’ancien préfet Christophe Bay, candidat RN aux législatives dans la 3e circonscription d’Eure-et-Loir. “Il n’a jamais été question de mettre en œuvre un spoils sytem, il faut arrêter d’effrayer tout le monde avec des sujets qui n’ont jamais été mis sur la table”, a abondé le haut fonctionnaire et nouveau eurodéputé RN Pierre Pimpie.

Depuis ces propos, le RN a durci le ton face aux fonctionnaires réticents à l’idée de travailler avec un gouvernement formé par le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella. Les fonctionnaires “qui ne sont pas contents peuvent partir”, a ainsi prévenu l’eurodéputé Fabrice Leggeri, ancien directeur de l’agence européenne Frontex. Le député RN sortant Roger Chudeau avait  quant à lui menacé de sanctionner les cadres de l’éducation nationale signataires d’une tribune contre le RN. Jordan Bardella a depuis annoncé que Roger Chudeau ne serait pas son ministre de l’Éducation nationale s’il devait former un gouvernement.

Une proposition du programme du RN vise aussi la justice, puisque le parti affirme sa volonté d’ouvrir et de faciliter les voies d’accès à la magistrature à des professionnels comme des universitaires, des avocats ou encore des policiers. Aussi Jordan Bardella a-t-il remis sur la table l’idée d’un tour extérieur dans la magistrature. Selon plusieurs magistrats et universitaires, cette notion paraît irréaliste et semble témoigner d’une méconnaissance du fonctionnement de l’institution judiciaire.