LE RÉGIME DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE ÉTENDU DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Le Conseil constitutionnel vient de déclarer inconstitutionnelle l’impossibilité pour un agent entendu en audition libre de bénéficier de la protection fonctionnelle. Une différence de traitement injustifiée, selon les sages, par rapport aux agents gardés à vue ou ayant la qualité de témoins assistés lors d’une enquête.

Le régime actuel de protection fonctionnelle des agents publics est contraire à la Constitution. C’est ce que vient de juger le Conseil constitutionnel à propos d’une question prioritaire de constitutionnel (QPC), dont il avait été saisi sur le cas des agents publics entendus par la police sous le régime de l’audition libre et qui ne peuvent pas bénéficier de cette protection fonctionnelle ni, à ce titre, du remboursement de leurs frais d’avocat.

Transmise aux sages par le Conseil d’État, cette QPC avait été soulevée par un agent de l’éduction nationale à l’appui de son recours contre le refus de la rectrice de l’académie de Normandie de lui octroyer la protection fonctionnelle et de lui rembourser la somme de 1 907,52 euros au titre des frais d’avocat exposés à l’occasion de son audition libre par les services de police dans le cadre d’une enquête. Une enquête dont les finalités n’étaient pas précisées.

Le fonctionnaire requérant soutenait que les dispositions législatives relatives à la protection fonctionnelle dans la fonction publique “méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi”. Et ce au motif qu’elles ne prévoyaient pas que les agents publics entendus en audition libre puissent bénéficier de la protection fonctionnelle. Cette différence de traitement était, selon lui, non justifiée en comparaison des agents entendus en garde à vue, en qualité de témoins assistés ou qui se voient proposer une mesure de compensation pénale et qui, eux, bénéficient de la protection fonctionnelle ainsi que du remboursement de leurs frais d’avocat. Une lecture que partage donc aujourd’hui le Conseil constitutionnel.

Méconnaissance du principe d’égalité 

Le principe constitutionnel d’égalité “ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit”, rappellent les sages de la Rue de Montpensier dans leur décision.

Comme prévu par le code général de la fonction publique, la collectivité publique est “tenue d’accorder sa protection aux agents publics qui font l’objet de poursuites pénales à raison de faits n’ayant pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de leurs fonctions”. Aussi, développe le Conseil constitutionnel, le législateur “a entendu accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents publics mis en cause pénalement, y compris lorsqu’ils ne font pas l’objet de poursuites pénales, dans tous les cas où leur est reconnu le droit à l’assistance d’un avocat”.

Or, poursuit-il, le code de procédure pénale “prévoit que la personne entendue librement a le droit d’être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation par un avocat si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement”. “Dès lors, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées est sans rapport avec l’objet de la loi”, concluent les sages, jugeant donc que le fait de ne pas octroyer la protection fonctionnelle aux agents entendus librement durant une enquête est “contraire à la Constitution” puisqu’il méconnaît le principe d’égalité devant la loi.

Quelles conséquences de la décision du Conseil constitutionnel ? 
“En l’espèce, l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de priver du bénéfice de la protection fonctionnelle les agents publics entendus en qualité de témoins assistés, placés en garde à vue ou qui se voient proposer une mesure de composition pénale”, expliquent les sages en reconnaissant que cela constituerait des “conséquences manifestement excessives”. À leurs yeux, il y a donc “lieu de reporter au 1er juillet 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions”. 
De fait, indique le Conseil constitutionnel, “jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles”, la collectivité publique “est tenue d’accorder sa protection à l’agent public entendu sous le régime de l’audition libre à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions”.