POUVOIR D’ACHAT DES FONCTIONNAIRES : LE FOSSÉ ENTRE LES REVENUS DES FONCTIONNAIRES ET LE COÛT DE LA VIE CONTINUE DE SE CREUSER

Le pouvoir d’achat des fonctionnaires, en France, est au cœur des débats sociaux depuis plusieurs années. Ce sujet suscite d’autant plus d’inquiétude que l’inflation récente a exacerbé une situation déjà précaire pour une grande partie des agents de la fonction publique. Malgré des décisions gouvernementales visant à compenser la perte de pouvoir d’achat, ces efforts se révèlent insuffisants face à la réalité économique actuelle.

Au cours des dernières années, plusieurs mesures ont été prises pour soutenir les fonctionnaires et tenter d’améliorer leur pouvoir d’achat. Parmi elles, on peut citer :

  1. Le dégel du point d’indice : après une longue période de gel (de 2010 à 2016), le gouvernement a procédé à un dégel du point d’indice en 2016, avec une augmentation de 1,2 % en deux temps. Le point d’indice, qui sert de base au calcul des salaires des fonctionnaires, est un levier important pour ajuster les rémunérations en fonction de l’inflation.
  2. La revalorisation du point d’indice en 2022:  en réponse à la montée de l’inflation, le gouvernement a décidé d’une augmentation de 3,5 % du point d’indice en juillet 2022. Cette hausse a marqué la plus forte augmentation depuis plusieurs décennies, mais elle est néanmoins considérée comme insuffisante par de nombreux syndicats et experts..
  3. En 2023 et début 2024, plusieurs revalorisations du point d’indice ont également été mises en œuvre pour tenter de compenser la perte de pouvoir d’achat due à l’inflation: au 1er juillet 2023, le gouvernement a décidé d’une nouvelle augmentation du point d’indice de 1,5 %. Cette revalorisation fait suite à la précédente hausse de 3,5 %  précitée de  juillet 2022, qui avait marqué un effort significatif pour compenser la montée de l’inflation. L’objectif était de protéger le pouvoir d’achat des fonctionnaires face à une inflation toujours élevée, qui avait continué de peser sur les ménages. Pour continuer à répondre aux enjeux de pouvoir d’achat, une nouvelle augmentation du point d’indice a aussi été programmée au 1er janvier 2024, cette fois de 2 % (+ 5 points pour tous les agents publics). Cette nouvelle revalorisation fait partie des engagements du Gouvernement pour maintenir le revenu des agents publics en phase avec l’inflation, même si, comme pour les hausses précédentes, elle reste critiquée pour son caractère insuffisant face à la flambée des prix.
  4. Les primes et indemnités : diverses primes, comme la Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (dite « prime Macron ») ou les primes de rendement, ont été introduites ou revalorisées pour certains agents. Ces primes visent à compenser, au moins partiellement, la stagnation des salaires de base.
  5. Le protocole PPCR (Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations) : mis en œuvre progressivement depuis 2016, le PPCR a permis une revalorisation des grilles salariales et une amélioration des carrières, avec des promotions plus fréquentes et des augmentations salariales à certains échelons.

Malgré ces efforts, le sentiment dominant parmi les fonctionnaires est que leur pouvoir d’achat continue de décliner. Cette perception est largement justifiée par plusieurs facteurs :

  1. Une inflation persistante et élevée : l’inflation, qui a fortement augmenté depuis 2021, a considérablement érodé les revenus des ménages. Les hausses salariales octroyées ces dernières années, bien qu’appréciables, n’ont pas compensé la flambée des prix, notamment ceux des produits de première nécessité, de l’énergie, et des logements.
  2. Le décalage temporel des revalorisations : les augmentations du point d’indice ou les primes sont souvent décidées en réaction à une situation déjà dégradée, créant un effet de retard par rapport à la réalité du marché. Ce décalage accroît le sentiment de décrochage des salaires publics par rapport au coût de la vie.
  3. L’hétérogénéité des situations : les fonctionnaires ne sont pas tous logés à la même enseigne. Les augmentations actées ne bénéficient pas uniformément à l’ensemble des agents. Par exemple, les enseignants, les personnels hospitaliers, ou encore les agents des collectivités territoriales, ont des profils de carrière très différents, ce qui rend certaines revalorisations plus ou moins significatives en fonction des cas.
  4. Une base salariale qui reste faible : pour de nombreux agents de catégorie C, qui constituent une large part de la fonction publique, le traitement de base reste très modeste. Même avec des primes et des augmentations du point d’indice, le revenu global demeure en deçà de ce qui serait nécessaire pour faire face aux dépenses courantes dans un contexte de forte inflation.

En dépit des mesures gouvernementales destinées à protéger et à améliorer le pouvoir d’achat des fonctionnaires, les résultats sont loin de répondre aux attentes. L’inflation persistante et les insuffisances structurelles dans les mécanismes de revalorisation salariale continuent de peser lourdement sur les agents publics. Pour restaurer durablement le pouvoir d’achat des fonctionnaires, des réformes plus ambitieuses et structurelles semblent nécessaires, notamment en matière de révision des grilles salariales, de gestion des carrières, et de prise en compte des évolutions économiques dans les négociations salariales. Sans de tels changements, le fossé entre les revenus des fonctionnaires et le coût de la vie pourrait continuer de se creuser, avec des conséquences sociales et économiques significatives pour l’ensemble de la société.

Par Pascal NAUD
naudrh.com
29 août 2024