ARRÊTS MALADIE DES FONCTIONNAIRES : LES SYNDICATS DÉNONCENT LES « VIEILLES LUNES » DES INSPECTIONS

Les syndicats critiquent les différentes recommandations émises par l’inspection générale des Finances et l’inspection générale des Affaires sociales pour réduire l’absentéisme dans la fonction publique, telles que la piste d’une hausse du nombre de jours de carence ou la révision à la baisse de l’indemnisation des agents publics durant leurs arrêts maladie.

“Les vieilles lunes ont la vie dure.” Comme la CFDT, l’ensemble des syndicats de la fonction publique critiquent les différentes pistes suggérées par les corps d’inspection pour réduire l’absentéisme et notamment les absences pour raison de santé dans le secteur public. Dans une “revue de dépenses” remise au gouvernement Attal, l’inspection générale des Finances (IGF) et l’inspection générale des Affaires sociales (Igas) proposent en effet un renforcement des contrôles de ces arrêts, mais aussi d’augmenter le nombre de jours de carence dans la fonction publique ou encore d’abaisser la rémunération des agents publics durant leurs arrêts.

Autant de pistes explosives qui suscitent l’ire des représentants du personnel : tous sans exception dénoncent une logique purement budgétaire. À noter que l’ancien directeur de cabinet du ministre de la Fonction publique Olivier Dussopt, l’inspecteur général des finances Alain Triolle, figure parmi les signataires de ce rapport.

“Et c’est reparti, un énième rapport qui stigmatise à nouveau les fonctionnaires !” tonne ainsi Force ouvrière, selon qui les inspections “veulent ajouter la précarité à la maladie”. “Une honte”, s’insurge le syndicat. “C’est scandaleux de stigmatiser encore les agents malades en les rendant responsables des arrêts qui sont souvent dus à des conditions de travail dégradées”, ajoute Benoit Teste, de la FSU. “Il s’agit là encore d’une opération de stigmatisation des agents publics mobilisant les pires clichés démagogiques sur les fonctionnaires”, abonde Solidaires.

Des caractéristiques non prises en compte

Les critiques des syndicats portent autant sur le fond du rapport des inspections que sur la manière dont il a été réalisé. Et selon eux, l’enquête de l’IGF et de l’Igas serait biaisée. “Le postulat des inspections serait de faire en sorte que la moyenne des jours d’absence soit identique pour les agents publics et les salariés du secteur privé, explique l’Unsa. Cependant, la mission fait elle-même le constat que les différences sont dues aux caractéristiques des agents et de leur emploi.”

Selon les inspections, les écarts d’absentéisme observés entre le secteur public et le secteur privé s’expliqueraient en effet notamment par des critères propres à la fonction publique, tels qu’un âge moyen plus élevé, une plus grande féminisation, la prévalence de maladies chroniques, la part moins importante de professions supérieures dans les collectivités et les hôpitaux.

Autre biais identifié par l’Unsa, le manque de données fiables permettant d’analyser les écarts d’absence entre la fonction publique et le secteur privé : “Les inspections le disent très justement, la fonction publique ne dispose pas de suivi harmonisé des absences et elle ne peut pas connaître le niveau réel des absences en 2023.” 

“Tout en pointant les faiblesses des mesures de la réalité des absences et les faiblesses des politiques de prévention”, les inspections proposent malgré tout “de vieilles recettes dont l’impact positif n’a jamais été prouvé et qui pénalisent les malades”, tonne la CFDT, en référence notamment au rétablissement d’un jour de carence dans la fonction publique (contre 3 actuellement dans le secteur privé). “L’introduction de cette mesure en 2018 n’a rien résolu”, abonde Pascal Kessler, de la FA-FP. Comme l’ont montré plusieurs études de l’Insee en effet, si le jour de carence a contribué à réduire le micro-absentéisme dans la fonction publique, le nombre d’absences de longue durée à quant à lui augmenté.

L’équité en question 

“Parler d’un alignement du public sur le privé est malhonnête”, ajoute Solidaires, en rappelant qu’une grande partie des salariés du privé voient leur perte de rémunération et l’impact de leurs jours de carence compensés par des accords collectifs. “La mission préconise que l’on applique une même mesure à des situations de prise en charge de fait très différentes, c’est justement ce que l’on appelle de l’iniquité”, souligne l’Unsa. Et, ajoute ce syndicat, “cet état de fait n’est pas près de s’arrêter, puisque les employeurs publics ont refusé la prise en charge de ces mêmes jours de carence dans l’accord sur la protection sociale des agents de la fonction publique”.

“Tomber malade n’est pas une escroquerie”, renchérit la CFE-CGC, selon qui les propositions avancées par les inspections risquent de faire baisser encore l’attractivité de la fonction publique, “d’augmenter le malaise général et les arrêts maladie longs”, d’“accentuer les départs” et, à terme, de “réduire le pouvoir d’achat des agents”. “Si les fonctionnaires sont parfois en arrêt maladie, c’est avant tout de la responsabilité de l’employeur public et notamment de l’État employeur, ajoute Force ouvrière. Les suppressions de postes subies depuis des années, les restructurations permanentes, l’affaiblissement pour ne pas dire la suppression de la médecine de prévention, la surcharge de travail et le manque de moyens matériels sont les causes de la dégradation de la santé des agents.” 

Pour tous les syndicats, les inspections se tromperaient donc d’urgence. “Le sujet ne devrait pas être l’augmentation du nombre de jours de carence, dont nous exigeons l’abrogation, ou la baisse du taux d’indemnisation, mais l’amélioration de la santé au travail des agents publics”, affirme Pascal Kessler de la FA-FP. “La vraie réponse, c’est de réparer les conditions d’exercice des agents publics, d’arrêter la folie du néomanagement public et l’assèchement des ressources de la protection sociale”, ajoute Benoit Teste, de la FSU, en promettant de se “battre contre cette attaque contre les droits des agents publics”. Ce sujet de l’indemnisation des arrêts maladie ne manquera pas de revenir sur le devant de la scène à l’occasion des débats budgétaires de cet automne.