LE RÉGIME DES AUTORISATIONS D’ABSENCE DU SECTEUR PUBLIC DANS LE VISEUR DES INSPECTIONS

Pour réduire l’absentéisme dans la fonction publique et dégager des économies, les inspections générales des Finances et des Affaires sociales préconisent de “clarifier” et de “rationaliser” le régime des autorisations spéciales d’absence (ASA) dont peuvent bénéficier les agents publics. Les absences pour fêtes religieuses et garde d’enfants sont pointées du doigt, au regard de leur caractère plus favorable que dans le secteur privé.

Les autorisations spéciales d’absence (ASA) rémunérées dont bénéficient les agents publics vont-elles bientôt être restreintes ? Dans un rapport explosif sur la réduction de l’absentéisme dans la fonction publique, l’inspection générale des Finances (IGF) et l’inspection générale des Affaires sociales (Igas) appellent en effet à “clarifier” et “rationaliser” ce régime des ASA des agents publics. Et ce afin, notamment, de réduire les écarts en la matière avec le secteur privé et de remédier au “morcellement” et à “l’ancienneté” des fondements réglementaires dudit régime.

Le constat des inspections est effectivement sans appel : le régime des autorisations d’absence est “plus avantageux” dans la fonction publique que dans le privé. C’est le cas notamment des absences pour un événement familial. Ainsi, à titre d’exemple, en cas de mariage ou de Pacs, les agents de l’État peuvent bénéficier d’une ASA rémunérée de cinq jours. Dans la territoriale et l’hospitalière, cette ASA est laissée “à la discrétion”de l’administration. Les salariés qui se marient ou se pacsent ont droit pour leur part à un congé de quatre jours.

Des autorisations supplémentaires par respect de la laïcité 

S’agissant des autorisations d’absence pour garde d’enfant malade ou momentanée, le nombre maximal de jours d’ASA peut atteindre douze jours rémunérés. Dans le secteur privé, en revanche et à moins de dispositions conventionnelles plus favorables, l’autorisation d’absence accordée pour garde d’enfant est de trois jours non rémunérés et peut atteindre cinq jours si l’enfant a moins d’un an ou si le salarié a 3 enfants à charge ou plus. À noter aussi que des ASA supplémentaires de 48 heures maximum peuvent être accordées aux agents publics pour prendre en compte des “délais de route” liés aux événements familiaux.

Outre ces ASA pour motif familial ou parental, les administrations peuvent aussi accorder à leurs agents des autorisations d’absence rémunérées à l’occasion de certaines fêtes religieuses. Et ce en complément des jours fériés liés aux fêtes catholiques ou protestantes. Conformément à une circulaire de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) datant de 2012, de telles ASA peuvent ainsi être accordées pour des fêtes religieuses musulmanes telles que l’Aïd, des fêtes religieuses juives telles que Yom Kippour ou des fêtes bouddhistes et orthodoxes. “Il s’agit de faciliter pour les agents publics la pratique de leur culte dans le respect du principe de la laïcité”, expliquent l’IGF et l’Igas, tout en relevant qu’une telle disposition “n’est pas formalisée dans le secteur privé”. 

67 millions d’euros d’économies attendues

Au total, selon les inspections, le nombre total de jours d’ASA dans la fonction publique s’établirait aujourd’hui à 5 millions de jours par an, soit une moyenne de 0,94 jours d’ASA par agent. Ce qui représenterait 23 000 équivalents temps plein (ETP) et un coût d’1,1 milliard d’euros. Dans le détail, ce coût est estimé à 520 millions d’euros dans la fonction publique d’État (pour 2,2 millions de jours d’ASA représentant 10 000 ETP), à 330 millions d’euros dans la territoriale (pour 1,7 million de jours d’ASA représentant 8 000 ETP) et à 240 millions d’euros dans l’hospitalière (pour 1,1 million de jours d’ASA représentant 5 000 ETP).

Face à ce double constat financier et d’un cadre plus favorable pour les agents publics, l’IGF et Igas préconisent donc de rationaliser le régime des ASA dans la fonction publique et plus précisément celui des ASA pour fêtes religieuses et gardes d’enfants. Les inspections suggèrent en ce sens de privilégier le recours aux facilités horaires compensées et aux RTT pour les motifs de fêtes religieuses et ainsi de mettre fin aux ASA pour ces motifs.

Elles recommandent aussi d’aligner le quantum de jours d’ASA pour garde d’enfants sur les règles en vigueur dans le secteur privé ou encore d’“interroger” les ASA pour “délais de route”, qui ne connaissent pas d’équivalent dans le droit du secteur privé. Selon les inspections, ce rapprochement des règles avec le secteur privé aboutirait à un gain de 310 jours d’absence soit l’équivalent de 1 400 ETP et de 67 millions d’euros.

Ce n’est pas la première fois, pour rappel, que cette rationalisation des ASA dans la fonction publique est évoquée. La loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 avait en effet prévu une clarification de ce régime par la voie réglementaire. Mais le décret attendu n’a jamais été pris. Le rapport des inspections relance donc aujourd’hui le débat sur ce sujet très sensible.