LA CAISSE DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES TERRITORIAUX ET HOSPITALIERS DANS LE ROUGE

Trois inspections (l’Igas, l’IGF et l’IGA) alertent sur la situation financière “très dégradée” de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, la CNRACL. Face à son déficit croissant, la mission recommande de faire participer l’État, d’augmenter le taux de la cotisation des employeurs, mais aussi de créer une nouvelle taxe sur les salaires versés aux contractuels.

Nouvelle alerte sur les finances de la caisse de retraites des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Après le Conseil d’orientation des retraites (COR) au mois de juin, c’est désormais au tour des inspections de s’inquiéter de la situation financière de la CNRACL. L’inspection générale des Affaires sociales (Igas), l’inspection générale des Finances (IGF) et l’inspection générale de l’Administration (IGA) viennent en effet de publier un rapport où elles pointent les ratios financiers “très dégradés” de ce régime en charge du versement des prestations vieillesse de ses pensionnés, mais aussi de la couverture du risque invalidité de ses cotisants.

“En moins de quinze ans, la CNRACL passe de l’équilibre (avec un excédent de 15 millions d’euros en 2017) à un déficit supérieur à deux fois celui de l’assurance vieillesse du régime général en 2023 qui sert une pension à dix fois plus de bénéficiaires”, expliquent ainsi les inspections dans ce rapport commandé en 2023 par la Première ministre d’alors, Élisabeth Borne. Le déficit de la caisse s’établit aujourd’hui à 2,5 milliards d’euros. Ses capitaux propres, par ailleurs, “sont très largement négatifs” (à -4,9 milliards d’euros) et son besoin de trésorerie journalier “dépasse certains jours les 10 milliards d’euros”. Et sans mesures correctrices, son déficit annuel dépasserait les 10 milliards d’euros, alerte le rapport.

Les inspections avancent plusieurs causes pour expliquer cette situation financière dégradée. Tout d’abord et bien entendu, le vieillissement de la population et donc la dégradation du ratio démographique et l’évolution “défavorable” du rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités de ce régime. Alors qu’il était “largement supérieur à 4” dans les années 1980, ce ratio est désormais de 1,46 et devient inférieur au ration “tous régimes”, à savoir 1,71. “L’attrition de la base cotisante et l’augmentation concomitante du volume des pensions servies a mécaniquement déséquilibré le compte de résultat de la caisse”, développent les inspections.

Financement peu diversifié

Autre raison avancée : la “compensation démographique” que la CNRACL verse aux autres régimes de retraite en difficulté. Cette compensation est “un facteur important dans la constitution des déficits accumulés”, est-il écrit dans le rapport. Depuis 1974, la CNRACL a effectivement contribué à hauteur de 100 milliards d’euros aux autres caisses en difficulté en raison des “déséquilibres démographiques”. Les inspections pointent également la diminution progressive de la base cotisante de la CNRACL du fait de la croissance de l’emploi contractuel, les agents contractuels cotisant au régime général de retraite.

Surtout, ajoutent les inspecteurs, la source de financement de la caisse est “trop peu diversifiée” puisque ses prestations sont “quasi exclusivement financées” par des cotisations. Cela “rend insoutenables les avantages non contributifs qu’elle sert” en dehors des pensions de retraite, explique le rapport, en citant notamment le cas des majorations de pension pour enfants ou encore les validations entières des périodes cotisées à demi-traitement par les fonctionnaires en congé maladie. Certes, de tels avantages sont aussi versés par les autres régimes de retraite. Mais, précisent les inspections, les cotisations ne représentent que 66 % des ressources du système de retraite dans son ensemble et sont complétées par d’autres ressources (taxes et impôts affectés, transferts externes…).

Au vu de cette situation financière et des perspectives peu radieuses pour l’avenir, l’Igas, l’IGF et l’IGA avancent une série de “pistes d’évolution” afin d’orienter la CNRACL “vers une trajectoire de retour à l’équilibre”. Ce qui, selon les inspections, nécessitera un partage des efforts, entre les employeurs territoriaux et hospitaliers mais également l’État.

L’emploi contractuel dans le viseur 

Le rapport pousse ainsi à la diversification des sources de financement de la CNRACL et propose notamment de compenser les avantages non contributifs que la caisse verse à ses pensionnés. Les inspections suggèrent précisément de faire rembourser la “majoration pour enfants” par la Caisse nationale d’allocations familiales et de faire financer par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) d’autres prestations, comme le “minimum invalidité”. Le rapport appelle aussi à refondre le mécanisme de compensation interrégimes et à “faire reprendre la dette” de la CNRACL possiblement par l’État.

Les inspections le concèdent néanmoins : ces mesures ne suffiront pas à elles seules à garantir l’équilibre financier de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Les inspecteurs en profitent pour remettre sur la table la piste d’une hausse du taux de la contribution des employeurs. Celle-ci, pour rappel, a déjà augmenté d’1 point en janvier dernier. Une telle hausse “devra s’inscrire dans une trajectoire pluriannuelle ajustée selon la situation financière constatée du régime”, précisent toutefois les auteurs du rapport.

Reste que la hausse de cette “contribution employeur” risque de renchérir le coût de l’emploi d’un agent titulaire par rapport à un agent contractuel et ainsi de “favoriser encore davantage la substitution de l’emploi fonctionnaire par l’emploi contractuel”. Aussi, la mission d’inspection recommande-t-elle de créer une taxe sur la masse salariale des agents contractuels de la territoriale et de l’hospitalière et d’affecter son produit à la CNRACL. Ce qui, selon les inspections, permettrait de “rendre le plus neutre possible l’arbitrage par l’employeur entre emploi contractuel et emploi fonctionnaire”.