LA PRIME DE POUVOIR D’ACHAT DES FONCTIONNAIRES (GIPA) EN SURSIS

Dans les “thèmes de travail” proposés aux syndicats pour les prochains mois, le ministère de la Fonction publique suggère de supprimer la Gipa, l’indemnité dite de garantie individuelle de pouvoir d’achat des agents publics. Une perspective vivement critiquée par les organisations syndicales, pour qui cette suppression ne pourrait être compensée que par des revalorisations générales.

Voilà une perspective qui ne peut que tendre encore un peu plus les relations entre le gouvernement Barnier et les syndicats de la fonction publique. Après l’annonce de 2 200 suppressions de postes dans le versant État et la relance de la “réforme Guerini”, peu appréciée des représentants du personnel, le ministère de la Fonction publique suggère désormais de supprimer l’indemnité de “garantie individuelle de pouvoir d’achat” (Gipa) des agents publics.

Cette piste figure en effet dans la liste des “thèmes de travail” que le ministre Guillaume Kasbarian vient de proposer aux syndicats pour les prochains mois, dans un message qu’il leur a adressé vendredi 11 octobre.

La prime Gipa, pour rappel, est traditionnellement reconduite d’année en année dans la fonction publique depuis sa création, en 2008. Elle vise précisément à maintenir le niveau de rémunération des agents publics lorsque leur traitement indiciaire brut a évolué moins vite que l’indice des prix à la consommation, avec comme période de référence les quatre dernières années. Dans ce cas, un certain montant indemnitaire – équivalent à la perte constatée de pouvoir d’achat – est versé à chaque agent public concerné.

“Saccage de la rémunération”

Sans surprise, la perspective d’une suppression de la prime Gipa est déjà vivement critiquée par les organisations syndicales. “Le nouveau ministre s’installe dans une logique d’affrontement”, tonne ainsi Christophe Delecourt, de la CGT. Pour lui, l’idée de supprimer la Gipa “confirme la volonté de l’exécutif d’organiser une cure d’austérité” et de “poursuivre une politique salariale régressive”. “Les agents publics ne peuvent pas être les boucs émissaires de la dette”, abonde Mylène Jacquot, de la CFDT, quand Benoit Teste, pour la FSU, voit dans la suppression envisagée de la Gipa “un élément de plus de saccage de la rémunération des personnels de la fonction publique”. 

Les syndicats le concèdent : initialement, lors de sa mise en place, le dispositif avait une vocation transitoire. Mais dans un contexte inflationniste et de gel du point d’indice, la donne a changé et a conduit à sa reconduction chaque année depuis 2008. “La politique de gel de la valeur du point d’indice a constitué le principe directeur de la Gipa, explique Benoit Teste. On ne peut que comprendre que c’est bien la paupérisation et la dévalorisation des carrières des agents qui sont recherchées.” “Comme son nom l’indique, la Gipa est une forme de garantie, explique Luc Farré, de l’Unsa. Elle n’aurait plus lieu d’être si les progressions de salaires couvraient l’inflation sur quatre ans.” “Donc, si les rémunérations avaient suivi l’inflation, l’État et les autres employeurs publics n’auraient pas à la verser”, ajoute ce syndicaliste en réclamant sa reconduction. Avant même que l’hypothèse de suppression de cette prime ne fuite, Luc Farré a d’ailleurs adressé un courrier en ce sens à Guillaume Kasbarian.

Un thermomètre plutôt qu’un remède

Pour les syndicats, cette prime n’est qu’un pis-aller au regard de l’inflation et du décrochage du pouvoir d’achat des agents publics. “Le dispositif de la Gipa ne peut être remis en cause tant que l’on n’aura pas une politique ambitieuse pour la rémunération et les carrières des agents publics”, juge ainsi Stanislas Gaudon, de la CFE-CGC. “Aussi longtemps que les politiques de rémunération ne seront pas suffisamment dynamiques, ni ne feront l’objet de négociations annuelles obligatoires, les motivations de l’instauration de la Gipa seront toujours d’actualité”, abonde Mylène Jacquot, de la CFDT. “Cette Gipa est un excellent thermomètre, mais ce n’est pas un remède de fond”, renchérit Pascal Kessler, de la FA-FP, pour qui la revalorisation du point d’indice constituerait au contraire une “mesure pérenne”.

FO Fonctionnaires, de son côté, dit s’être toujours opposée à la Gipa puisque ce syndicat estime que ce dispositif “traduit une politique salariale de gel du point et de tassement de la grille”. “Si son éventuelle suppression devait être avérée, elle doit être remplacée par la mise en œuvre de l’indexation du point d’indice sur l’inflation”, juge son secrétaire général, Christian Grolier. Reste désormais à savoir si le ministère de la Fonction publique ira au bout de ses ambitions et supprimera bel et bien la prime Gipa.

Même si le gouvernement propose d’en discuter avec les syndicats, la décision de supprimer cette indemnité ne serait-elle pas déjà prise par l’exécutif ? Une question qui se pose, à la lecture des documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2025. La non-reconduction de la Gipa est en en effet déjà évoquée noir sur blanc dans le projet annuel de performance (PAP) – le “bleu budgétaire” – de la mission “Administration générale et territoriale de l’État”. Pas de quoi calmer les inquiétudes et la colère des organisations syndicales. Sollicité par Acteurs publics, le ministère de la Fonction publique n’a pas donné suite à nos questions sur cette suppression possible de la Gipa, ni sur d‘éventuelles modalités de compensation.