TROIS JOURS DE CARENCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE : UN COUP DUR POUR LES FEMMES
La décision à venir du gouvernement Garnier d’instaurer trois jours de carence pour les arrêts maladie ordinaire dans la fonction publique suscite des débats intenses, en particulier concernant les conséquences potentielles pour les femmes. Dans cet article, nous examinerons pourquoi cette mesure risque de pénaliser davantage les femmes que les hommes, en nous appuyant sur des données de l’INSEE et sur les réalités sociales de la fonction publique.
Une décision qui pèse plus lourdement sur les Femmes.
Les données de l’INSEE montrent que les femmes sont plus souvent en arrêt maladie que les hommes, une tendance particulièrement visible dans la fonction publique. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs, notamment les charges familiales plus lourdes supportées par les femmes, la pression liée à la conciliation entre vie professionnelle et personnelle, ainsi que leur surreprésentation dans des secteurs exposés à des risques physiques et psychosociaux, comme la santé et l’éducation. En effet, les femmes représentent près de 62 % des effectifs de la fonction publique, et cette surreprésentation se retrouve dans les secteurs de la santé, de l’éducation et du social, souvent associés à des situations de stress et d’exposition à des risques psychosociaux. Selon l’INSEE, les femmes prennent en moyenne plus d’arrêts maladie, principalement en raison de leurs charges familiales et des difficultés liées à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Avec l’instauration de trois jours de carence, les salariés en arrêt maladie ne seront pas rémunérés pendant cette période. Pour les femmes, qui subissent déjà des inégalités salariales, cette perte de revenus sera d’autant plus préjudiciable. Par exemple, une femme fonctionnaire percevant un salaire mensuel moyen de 1 800 euros pourrait perdre environ 270 euros pour un arrêt de trois jours, ce qui représente une part significative de son budget mensuel, surtout pour les foyers modestes. L’INSEE indique qu’en moyenne, les femmes de la fonction publique gagnent environ 15 % de moins que leurs homologues masculins, en raison de carrières plus souvent interrompues et d’un recours plus fréquent au temps partiel. La mesure de carence, en affectant leur pouvoir d’achat, risque donc de renforcer ces inégalités économiques.
Charge familiale et risque de décélération de carrière.
En outre, les femmes, souvent principales gestionnaires des obligations familiales, sont plus enclines à s’absenter pour s’occuper de proches malades ou de jeunes enfants. Les données montrent également que ces obligations influencent considérablement le recours aux arrêts de courte durée. Avec cette nouvelle mesure, beaucoup de femmes salariées pourraient hésiter à se mettre en arrêt lorsqu’elles en ont besoin, craignant de perdre une part de leur revenu déjà souvent insuffisant.
Cette situation pourrait entraîner des conséquences à long terme sur leur santé. En négligeant des problèmes de santé mineurs pour éviter des pertes financières, ces problèmes risquent de s’aggraver, aboutissant à des arrêts maladie plus longs et plus coûteux à l’avenir. Par ailleurs, cette situation pourrait contribuer à une décélération de carrière pour les femmes, qui auraient plus de difficultés à prendre soin d’elles tout en assurant leur progression professionnelle.
Des conséquences sociales et financières défavorables
Le système de carence est souvent présenté comme un moyen de lutter contre les abus. Le gouvernement considère que cette mesure est nécessaire pour responsabiliser les agents et limiter les arrêts maladie jugés non justifiés, afin de réduire les coûts pour les finances publiques. Toutefois, les études disponibles indiquent que les femmes ont moins tendance que les hommes à abuser des arrêts maladie, ce qui rend cette mesure encore plus injuste pour elles. En effet, l’effet dissuasif espéré pourrait finalement aboutir à une surcharge des services de santé et des structures publiques, car les salariés en mauvaise santé continueraient de travailler jusqu’à l’aggravation de leur état.
Les conséquences financières seront particulièrement lourdes pour les femmes fonctionnaires, qui, pour nombre d’entre elles, ne peuvent compter que sur un budget serré. Selon les données de l’INSEE, près de 30 % des femmes travaillant dans la fonction publique appartiennent à des foyers dont le revenu est modeste. La perte de trois jours de salaire, en cas d’arrêt maladie, représente un manque à gagner significatif, qui pourrait affecter leur capacité à subvenir aux besoins de base.
Quelles alternatives pour une mesure plus juste ?
Face aux critiques émanant des syndicats et des associations de défense des droits des femmes, il est légitime de se demander quelles alternatives pourraient être envisagées. Par exemple, certains pays, comme la Suède, ont mis en place des politiques de prévention des arrêts maladie axées sur l’amélioration des conditions de travail et l’accompagnement des salariés, notamment par des programmes de bien-être en entreprise. De même, en Allemagne, des dispositifs d’assurance complémentaire couvrant les jours de carence ont été mis en place pour réduire l’impact financier sur les salariés les plus vulnérables. Plutôt que d’imposer des jours de carence, une approche plus équitable pourrait consister à renforcer la prévention des risques psychosociaux et à encourager un dialogue social pour améliorer les conditions de travail, notamment dans les secteurs à forte présence féminine. De plus, des dispositifs d’accompagnement spécifiques pour les agents confrontés à des situations familiales complexes pourraient éviter que des salariés n’aient à choisir entre leur santé et leur revenu.
La mise en place de trois jours de carence dans la fonction publique semble créer une nouvelle forme de vulnérabilité à l’égard des femmes, déjà surreprésentées parmi les agents en difficulté économique. Les conséquences financières, sociales et sanitaires de cette mesure risquent de renforcer les inégalités existantes, faisant des femmes les principales victimes de cette décision politique. Une réflexion sur des alternatives équitables est donc essentielle pour éviter de renforcer les inégalités de genre dans le secteur public.
www.naudrh.com pense que cette mesure est une solution à court terme qui risque d’aggraver des problèmes structurels d’inégalité et de santé publique. Plutôt que de dissuader les abus, elle crée un climat de précarité qui pourrait se révéler contre-productif. L’État devrait plutôt investir dans la prévention et l’amélioration des conditions de travail, pour que les salariés, et en particulier les femmes, puissent travailler dans des conditions dignes et équilibrées. Qu’en pensez-vous ? Y a-t-il selon vous des moyens plus justes de lutter contre les abus sans pénaliser des agents déjà fragiles ?
4 novembre 2024
Par Pascal NAUD
Président www.naudrh.com