SALARIÉS SÉNIORS : UNE ÉTUDE POUR MIEUX APPRÉHENDER LES FACTEURS DE RISQUES DE DÉSINSERTION PROFESSIONNELLE
L’étude de l’INRS avait pour objectif de mieux comprendre comment les décrochages professionnels peuvent survenir chez les salariés séniors, plus particulièrement chez les femmes, pour aider à la prévention de la désinsertion et au maintien en emploi. Elle donne des indicateurs pour repérer les situations à risque, aménager leurs conditions d’emploi et de travail et leur proposer un suivi adéquat.
Retour sur cette action avec Sandrine Guyot, responsable d’étude à l’INRS.
Quels sont les enjeux de santé et sécurité qui ont motivé votre travail d’analyse dédié aux salariés séniors ?
Les risques de décrochage professionnel en fin de vie active posent la question du maintien en emploi, et en bonne santé, des salariés de plus de 50 ans. Ce sujet est plus que jamais d’actualité avec le vieillissement des actifs, l’allongement de la durée de vie professionnelle et les coûts financiers de l’invalidité. Ne pas pouvoir rester en emploi jusqu’à l’âge de la retraite c’est bien souvent être confronté à des situations d’inactivité (en lien éventuellement avec une inaptitude au travail après un ou plusieurs arrêts de travail ou une invalidité) ou de chômage de longue durée. Aussi est-il essentiel de comprendre comment les décrochages professionnels peuvent survenir chez les séniors, pour aider à la prévention de la désinsertion et au maintien en emploi, notamment de ceux dont les capacités de travail sont amoindries par l’état de santé. Notre recherche s’est orientée plus spécifiquement vers les femmes, qui, plus souvent que les hommes, ont des trajectoires d’emploi chaotiques, des périodes d’inactivités plus longues et des conditions d’emploi précaires.
Pouvez-vous nous préciser les critères analysés dans le cadre de cette étude ?
Nous avons exploité trois enquêtes quantitatives longitudinales pour repérer des facteurs prédictifs de décrochage, liés aux conditions de travail passées, aux parcours professionnels et à la santé. Le traitement a été réalisé en population générale en raison de la taille des échantillons. La première analyse a porté sur l’exploitation de l’enquête nationale Santé et itinéraire professionnel (SIP-DARES/DRESS). Deux autres analyses ont concerné des enquêtes que l’INRS a effectué avec des services de prévention et de santé au travail (ALSMT et CMIST). Une enquête statique transversale (plus de 19 000 réponses) a également été réalisée auprès de femmes de plus de 45 ans, à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an, afin de compléter les données sur les facteurs professionnels et de santé associés aux sorties de l’emploi. Enfin, 24 entretiens ont été menés auprès de femmes du même profil que l’enquête précitée.
Que vous a appris l’analyse de ces données ?
Les analyses ont fait ressortir plusieurs facteurs prédictifs de décrochage professionnel.
Du côté du travail, l’exposition au travail sous pression, le vécu d’arrêts de travail de plus de six mois, le ressenti négatif à son poste de travail, l’estimation d’une capacité de travail (faible à modérée).
Du côté de l’emploi, les durées longues de chômage, les changements relativement fréquents d’emploi dans les dix dernières années, l’inquiétude de perdre son emploi à court terne.
Du côté de la santé, la perception d’avoir une santé altérée. Concernant directement les femmes, les analyses quantitatives et qualitatives ont montré la forte intrication des facteurs professionnels – notamment des caractéristiques des parcours d’emploi antérieurs – des facteurs de santé et des statuts familiaux.
Ainsi, 5 patterns différents de situations de décrochage ont été repérés chez les femmes interrogées :
- réciprocité des relations entre conditions de travail, caractéristiques de l’emploi et santé dégradé ;
- linéarité du parcours jusqu’au licenciement économique ;
- succession d’emploi précaires et instabilité des relations d’emploi en rapport avec le marché du travail ;
- fragmentation de l’emploi ou déclassement professionnel en relation avec la conjugalité et la parentalité ;
- transition avortée du salariat au travail indépendant.
À la lumière de ces résultats, quelles actions peuvent être mises en place pour favoriser le maintien dans l’emploi des travailleurs séniors ?
Cette étude, au travers des items prédicteurs de décrochage, donne des indicateurs pour repérer les situations à risque, aménager les conditions de travail et d’emploi et proposer un suivi adéquat. Ceux-ci – tout comme les outils d’enquête développés – peuvent notamment être utilisés dans la pratique des services de prévention et de santé au travail. D’ailleurs, sur la base de ce travail, les services ayant participé à l’étude ont mené des actions de prévention individuelle et collective dédiées au maintien dans l’emploi. Les résultats invitent également à être attentifs aux conditions de travail, plus particulièrement des femmes, marquant une intensité du travail (travail sous pression, contraintes de temps serrées, …) mais aussi plus largement à la gestion des parcours, des carrières et de la formation des salariés tout au long de la vie.
13 octobre 2024
inrs.fr