GUILLAUME KASBARIAN ACCÉLÈRE SUR LA BASE DE LA RÉMUNÉRATION DES ARRÊTS MALADIE, LES SYNDICATS CRIENT À LA PROVOCATION

Le ministre compte soumettre au Conseil commun de la fonction publique du 3 décembre un projet de décret réduisant l’indemnisation des contractuels durant leurs arrêts maladie. Et ce alors que la mesure n’a pas encore été actée par le Parlement pour les fonctionnaires. Les syndicats dénoncent une “provocation”, deux jours avant la grève du 5 décembre. L’exécutif, lui, n’y voit “aucun problème”.

Voilà qui n’est pas fait pour apaiser le climat social. Le gouvernement Barnier compte soumettre au prochain Conseil commun de la fonction publique (CCFP), prévu le 3 décembre, son projet de décret réduisant l’indemnisation des contractuels durant leurs arrêts maladie à compter du 1er janvier 2025. Et ce alors même que la mesure n’a pas encore été actée pour les fonctionnaires.

La mesure en question avait été annoncée par le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, dans le cadre de son “plan de lutte contre l’absentéisme” dans la fonction publique. Un plan qui prévoit le passage de 1 à 3 jours de carence pour les agents publics, mais aussi l’abaissement de 100 à 90 % du taux de remplacement de leur rémunération durant leurs arrêts maladie de courte durée, c’est-à-dire durant les trois premiers mois de leurs congés de maladie dits ordinaires.

Mesure législative pour les fonctionnaires, réglementaire pour les contractuels

Pour les fonctionnaires, la baisse de ce taux de remplacement est d’ordre législatif. Pour intégrer cette mesure dans la loi, l’exécutif compte donc déposer un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour 2025 dans le cadre de son examen au Sénat. En revanche, la transposition de cette mesure aux agents contractuels relève du niveau réglementaire et nécessite un décret pour pouvoir être mise en œuvre.

C’est précisément l’objet du projet de décret que le ministère de la Fonction publique compte présenter au CCFP du 3 décembre, avant même que le Parlement ait approuvé la baisse de la rémunération des fonctionnaires durant leurs arrêts maladie. Une méthode qui suscite l’ire des syndicats, déjà radicalement opposés au “plan de réduction de l’absentéisme” porté par Guillaume Kasbarian.

Une mascarade de dialogue social

Luc Farré, de l’Unsa Fonction publique dénonce un “passage en force” du ministre avec l’inscription de ce projet de décret à l’ordre du jour du Conseil commun. Christophe Delecourt, de la CGT, pointe de son côté un “déni de démocratie”. “Cette mesure n’a fait l’objet d’aucune discussion”, développe-t-il. “Nous sommes particulièrement agacés de cette méthode, renchérit Stanislas Gaudon, de la CFE-CGC. Car au-delà du contexte politique incertain sur le budget, le débat parlementaire n’est pas terminé. C’est donc une mascarade de dialogue social qui s’instaure.” Le syndicaliste dénonce une “course à l’échalote des restrictions budgétaires qui sacrifient injustement le pouvoir d’achat des agents publics et finit de saborder l’attractivité des services publics”.

Mylène Jacquot, de la CFDT Fonctions publiques, se dit pour sa part en désaccord sur le fond comme sur la forme. Mais “le désaccord sur le fond ne devrait pas empêcher les échanges préalables ni le dialogue social”, estime-t-elle. “Ni le respect d’une mobilisation annoncée”, ajoute Mylène Jacquot en référence à l’appel à la grève lancé pour le 5 décembre par 7 des 8 syndicats de la fonction publique (CGT, CFDT, Unsa, FSU, Solidaires, FA-FP et CFE-CGC).

La présentation du projet de décret sur les arrêts maladie des contractuels deux jours avant la grève “est une provocation” du ministre, tonne pour sa part Benoit Teste, de la FSU. “Une de plus”, abonde Pascal Kessler, de la FA-FP. “Voilà la vraie méthode Kasbarian ! Rien à faire du dialogue social et des syndicats, un discours de façade quand il nous reçoit et, dès la sortie de la salle, le passage en force”, renchérit Christian Grolier, de FO Fonction publique. “On comprend mieux son admiration pour Trump et Musk”, poursuit-il en référence au tweet de félicitations que le ministre a adressé la semaine dernière au milliardaire américain après sa nomination par le Président élu Donald Trump à la tête d’un nouveau “ministère de l’Efficacité gouvernementale”.

Boycott possible du Conseil commun

Cette méthode “ne fait que conforter FO dans le choix d’un rapport de force dans la durée et en interprofessionnel”, ajoute Christian Grolier, dont le syndicat appelle à trois jours de grève reconductibles dans la fonction publique à compter du 10 décembre, dans une optique de “convergence des luttes” avec les cheminots. Il espère que “ce nouvel affront” de Guillaume Kasbarian incitera les autres organisations syndicales à “s’inscrire dans un mouvement unitaire dès le 10 décembre”.

Preuve supplémentaire de l’agacement des syndicats, plusieurs d’entre eux (dont la CGT, la CFDT ou l’Unsa) annoncent déjà qu’ils ne se rendront pas au Conseil commun du 3 décembre. Or si la majorité des syndicats décident de le boycotter, ce conseil commun ne pourra pas se tenir à la date prévue et devra être reconvoqué, mais sans condition de qorum la seconde fois. Face à cette nouvelle contestation syndicale, le gouvernement cherche à calmer le jeu.

“Recueillir un avis préalable à la prise de décision”

« Le CCFP ne vaut pas validation, c’est un avis nécessaire et préalable à la prise de décision”, rappelle l’entourage de Guillaume Kasbarian auprès d’Acteurs publics. Les avis du Conseil commun sur les projets de texte ne sont en effet que purement consultatifs. Les avis que portent les syndicats et les employeurs ne lient pas l’administration. “Comme le décret est obligatoire pour aligner la mesure entre les titulaires et les contractuels, il n’y a aucun problème à ce que ce texte soit examiné en amont de l’adoption du PLF”, explique l’entourage du ministre.

“Au contraire, ajoute-t-on, il est impératif de recueillir l’avis préalable du Conseil commun pour pouvoir combiner les 2 mesures au 1er janvier.” Et le ministère de la Fonction publique de promettre que si la baisse de l’indemnisation des fonctionnaires durant leurs arrêts maladie n’est pas adoptée par le Parlement, le décret pour les contractuels “ne sera pas signé”. Pas sûr néanmoins que cela suffise à faire retomber la colère des syndicats qui grandit.

21 novembre 2024
Bastien Scordia
pour ACTEURS PUBLICS