UNE LOI DE FINANCES SPÉCIALE MI-DÉCEMBRE AU PARLEMENT POUR ASSURER LA CONTINUITÉ DES SERVICES PUBLICS

Après la chute du gouvernement Barnier, le président de la République, Emmanuel Macron, a enterré le projet de budget qui était en discussion au Parlement. Il a annoncé qu’une loi de finances “spéciale” allait être déposée d’ici la mi-décembre par le futur nouveau gouvernement. Des responsables de l’opposition ont déjà déclaré qu’ils voteraient une telle loi, censée éviter tout shutdown à la française.

Le marathon budgétaire n’aura jamais aussi bien porté son nom. Après la chute du gouvernement Barnier et sa démission, dont il vient de prendre acte, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé, jeudi 5 décembre dans une allocution, l’enterrement du projet de budget pour 2025 et le recours, en urgence, à une “loi de finances spéciale” pour assurer la continuité de l’État.

C’est la deuxième fois dans l’histoire de la Vᵉ République qu’une telle procédure est activée, le seul et dernier exemple en date remontant à 1979. Le contexte d’alors était toutefois très différent, puisque le gouvernement de Raymond Barre y avait eu recours à la suite de l’annulation par le Conseil constitutionnel de la loi de finances pour 1980 pour des raisons de procédure.

Percevoir les impôts

La priorité du nouveau gouvernent, qui sera nommé “dans les prochains jours”, sera le budget, a expliqué le chef de l’État lors de son allocution. Il a aussi indiqué qu’une loi spéciale serait déposée “avant la mi-décembre au Parlement”. Comme le prévoit la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), cette “loi spéciale” permet, en cas de blocage, aux gouvernements de percevoir les impôts existants jusqu’au vote d’une nouvelle loi de finances.

Si le texte est approuvé par le Parlement, alors le gouvernement pourra prendre “des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés” et donc reconduire les crédits de l’année 2024. Ces “services votés” représentent “le minimum de crédits que le gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le Parlement”, précise l’article 45 de la Lolf. Ainsi, pas de risque de shutdown à la française qui ferait que les fonctionnaires ne seraient pas payés et que le fonctionnement des services publics serait bloqué.

Les oppositions disposées au vote

“Cette loi temporaire permettra la continuité des services publics et de la vie du pays, a développé Emmanuel Macron. Elle appliquera pour 2025 les choix de 2024.” “Les services publics fonctionneront, les entreprises pourront travailler, nos obligations seront tenues, nos mairies pourront évidemment aussi continuer à fonctionner”, a-t-il ajouté, disant espérer “qu’une majorité puisse se dégager pour l’adopter au Parlement”. 

En l‘occurrence, il fait d’ores et déjà peu de doutes que cette loi de finances spéciale sera adoptée par les parlementaires. Des responsables du RN et de la gauche ont en effet déjà fait savoir qu’ils la voteraient.

“Nous (la) voterons évidemment pour permettre à l’État de continuer à percevoir l’impôt et d’exécuter les dépenses publiques indispensables à la continuité de la vie nationale”, a ainsi indiqué la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, lors de l’examen de la motion de censure, mercredi 4 décembre. “La loi spéciale évitera tout shutdown”, a ajouté le président LFI de la commission des finances, Éric Coquerel, pour qui ce texte “permettra de passer la fin de l’année en décalant de quelques semaines l’examen du budget 2025”.

Le nouveau gouvernement sera ensuite chargé de préparer un nouveau budget en début d’année, comme l’a demandé Emmanuel Macron. Mais avant de bâtir ce budget, il faut déjà qu’un gouvernement soit constitué.

Qu’adviendrait-il si la loi spéciale était rejetée ? 
Dans une note datée du mois d’août, le secrétariat général du gouvernement (SGG) a envisagé l’hypothèse d’un rejet de la loi de finances spéciale par le Parlement ou celle d’une non-adoption avant la fin de l’année en cours. “Dans le cas où le projet de loi spéciale peut être adopté mais pas avant le 31 décembre, alors il semble envisageable de l’adopter tout début janvier”, expliquent les services de Matignon. Dans cette situation, une “petite rétroactivité” serait même envisageable, mais celle-ci ne pourrait “s’étendre aux mesures répressives”. Quant au rejet pur et simple d’une loi spéciale, il n’est prévu dans aucun texte. Pour éviter tout shutdown, le SGG estime qu’il faudrait alors “prendre les dispositions nécessaires à la continuité de la vie de la nation figurant dans le projet de loi spéciale”. Et ce notamment par la voie réglementaire. “La question pourrait se poser de recourir à une ordonnance ou à un décret”, explique le SGG dans sa note. Il lui semble malgré tout “compliqué” de recourir à un décret, étant donné que le Parlement aurait examiné la loi mais l’aurait rejetée. Le secrétariat général du gouvernement estime davantage possible de passer par une ordonnance, comme le prévoit la Constitution en cas de “carence” du Parlement, c’est-à-dire quand celui-ci ne respecte pas les délais fixés constitutionnellement pour examiner les lois de finances.